Il était un personnage controversé, connu pour ses coups de gueule pas toujours maîtrisés. Georges Frêche a été inhumé mercredi en fin de matinée à Montpellier. Près de 5.000 personnes ont assisté à la messe. Mais de nombreux anonymes n’ont pas pu ou souhaité faire le déplacement. Et c’est sur le web qu’ils lui ont rendu un dernier hommage.
On ne dit pas de mal des morts
Dès le lendemain de l'annonce du décès de Georges Frêche, les internautes ont pris la défense du président de la région Languedoc-Roussillon, en laissant des centaines de commentaires au bas des articles de presse qui dressaient le portrait d'un homme controversé et pas toujours aimé. Georges Frêche était "un MONSIEUR qui avait le courage de dire tout haut ce que beaucoup de "faux culs" de la classe politique pensaient tout bas", a écrit "LC33000", au bas de notre article intitulé "Frêche, "visionnaire" et "exécrable"".
Une "mobilisation" des internautes qui s'inscrit "dans la logique du processus de deuil", explique la psychothérapeute spécialisée dans l'accompagnement des personnes endeuillées, Nadine Beauthéac. "Quand une personne disparaît on a besoin de se souvenir, de raconter l'histoire qu'on a vécu avec le défunt", analyse-t-elle, "alors quand on prend la peine de rendre hommage, de faire la démarche d'écrire, on ne prend que le positif", souligne la spécialiste.
Facebook pour livre de condoléances
Les messages de sympathie ont été nombreux sur le web et en particulier sur la page Facebook de Georges Frêche. "C'était un grand homme. Je tenais à rendre hommage à Georges Frêche, un homme qui a tenu tous ses engagements, un homme d'une grande envergure et d'un franc-parler", écrit Thibaut G. "Merci encore pour avoir fait de Montpellier, la ville qu'elle est. Je suis fier d’être montpelliérain et de l'avoir été sous Georges Frêche", poursuit Sylvain B.
Tel un registre de condoléances, la page Facebook de Georges Frêche rassemble de très nombreux témoignages d’anonymes qui ne l’ont pas forcément connu. Une démarche qui n’étonne pas Nadine Beauthéac. "La disparition d’un personnage public, même si nous ne l’avons pas connu, peut être perçue comme une perte importante simplement parce que cela nous renvoie à la projection de nos propres vies", explique-t-elle. "En laissant des messages sur Facebook, ces anonymes ne font que transposer ce qui se passe déjà ailleurs", ajoute-t-elle, comme le font d’autres à travers des lettres ou un livre-témoignage.
"Un côté voyeuriste"
"Facebook n’est qu’un outil supplémentaire pour faire son deuil", poursuit Christophe Fauré, psychiatre, auteur du livre Vivre le deuil au jour le jour. Mais le spécialiste fait, tout de même, une distinction entre les hommages rendus à un ami sur un internet et ceux rendus à un personnage public. "La démarche n’est pas la même. Lorsque l’on a connu la personne, on a besoin de dire, de raconter l’histoire qu’on a partagée avec elle. Pour une personnalité publique, il peut y avoir un côté voyeuriste sur internet", analyse-t-il.
"Quand Mickael Jackson est mort, les internautes ont pu suivre ses obsèques en vidéo en ligne. Une vidéo consommée comme n’importe quelle autre. Et cela peut être dangereux, car on met au même niveau un épisode de série télé et celle d’un enterrement", estime-t-il. En revanche, "lorsqu’Alexander McQueen est décédé, en quelques heures 80.000 personnes sont devenues "fans" de sa page Facebook. C’était une manière de rendre hommage à son œuvre", ajoute-t-il.
Dans le cas de Georges Frêche, l’abondance de messages sur son mur témoigne "du besoin de rendre hommage à ses idées pour certains, à ses engagements pour d’autres qui ressentent la nécessité d’honorer un sentiment de proximité avec ce personnage politique", poursuit Christophe Fauré. Une démarche "plutôt positive", selon le psychiatre, qui reconnait une utilité "à la dimension posthume de la page Facebook dans le processus de deuil".