>> Mise à jour du 8 octobre : La cour de cassation a estimé que la responsabilité de l’État n'était pas engagée dans la mort de Marina.
L’État est-il en partie responsable de la mort de Marina Sabatier, tuée à l’âge de huit ans sous les coups de ses parents ? La cour de cassation doit trancher la question mercredi.
L'ultime nuit de calvaire de la fillette avait eu lieu le 6 août 2009. Cette nuit là, comme de nombreuses autres, Marina est copieusement battue, frappée, privée de repas, et soumise à d’innombrables sévices. Elle mourra seule, dénudée dans le sous-sol de la maison familiale d’Ecommoy, dans la Sarthe.
Son corps, un temps placé dans le congélateur, n’avait été retrouvé que quelques semaines plus tard. Entre temps, ses parents avaient simulé un enlèvement. Pour ces faits, Eric et Virginie Sabatier ont été condamnés en 2012 à trente ans de réclusion criminelle.
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Deux associations veulent faire condamner l'État. Mais les parents de Marina sont-ils les seuls responsables du calvaire de la fillette? Non, assurent les associations Innocence en danger et Enfance et Partage, à l’origine du pourvoi en cassation. Les deux organisations espèrent faire condamner l’État pour des dysfonctionnements, qui selon elles, ont entraîné la mort de la fillette.
“Marina aurait dû être sauvée 100 fois”, estime Homayra Sellier, présidente de l'association Innocence en danger. “De nombreux signalements avaient été faits, mais lorsque les services sociaux se déplaçaient, les parents leur opposaient plusieurs excuses”, déplore-t-elle. "“Marina est au parc d’attraction, Marina est à Paris". Comment le parquet a-t-il pu classer l'enquête sans suite?”
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Une enquête de la gendarmerie bâclée ? En octobre 2008, un an avant la mort de Marina, la justice avait écarté les témoignages alarmants, après une enquête de la gendarmerie bâclée, selon les associations. Une décision qui cristallise leur colère. Car lorsque la fillette avait été reçue par les gendarmes, plusieurs informations inquiétantes avaient déjà été signalées. Beaucoup émanaient des professeurs ayant suivi Marina tout au long des déménagements de la famille Sabatier. Malgré ces alertes répétées, la situation n’avait pas été jugée urgente par le médecin scolaire. Lors de l’enquête des gendarmes, ces enseignants n’avaient pas été reçus, et Marina, entendue à la gendarmerie aux côtés de son père, avait défendu ses parents.
“Les enfants maltraités dénoncent très peu leurs parents”, assure Catherine Ruelle, présidente de l’association Enfance et Partage. “S’il y avait eu un psychologue avec Marina lors de son audition par les gendarmes, ses lapsus et son attitude inquiète auraient pu être décryptés”, déplore Catherine Ruelle, qui s’indigne du classement sans suite de l’enquête, pourtant nourrie d’informations alarmantes.
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“Nous avons soutenu que les services de gendarmerie et le parquet avaient commis un certain nombre de négligences constituant une faute lourde”, a expliqué Me Briard, avocat d’Innocence en danger.
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D'autres signalement préoccupants après le classement sans suite. Quelques mois après le classement sans suite, le conseil général, dont le service d’aide sociale à l’enfance (ASE) est chargé de la protection infantile, avait à nouveau reçu des informations préoccupantes concernant Marina. Absentéisme, boulimie, mais aussi brûlures : le document transmis par le directeur de l’école en avril 2009 prévient également d’une hospitalisation en urgence, demandée par le médecin scolaire pour des brûlures aux pieds. Là encore, les associations pointent une défaillance; l’hôpital, évoquant des “suspicions” de maltraitance, ne le signalera pourtant pas au parquet.
L’enquête, ralentie par un énième déménagement des parents, ne sera relancée que quelques semaines après. Lorsqu’en juin 2009, les services sociaux rencontrent les parents et leurs cinq enfants dans leur logique de médiation, ils ne repèrent pas de danger particulier. Marina mourra quelques semaines après.
“Une succession de dysfonctionnements”. Trois ans après, au moment du procès, le Conseil général de la Sarthe avait maintenu qu’aucune faute n'avait été commise par ses services. Dans cette note interne, publiée par Ouest France avant le procès, le président du département assurait que “les professionnels du Conseil général ont agi comme ils devaient le faire en pareil cas, conformément aux cadres de la loi”.
Pourtant, un rapport publié en juin 2014 est venu pointer les défaillances du système de la protection de l’enfance dans cette affaire. L’étude, rédigée par Alain Grévot, a relevé la “sous-estimation de la notion de danger”. Suite à sa publication, l’ancienne défenseure de l’enfance, Marie Derain, a souligné “une succession de dysfonctionnements”. Un “tas de moments manqués”, selon l’expression de Marie Derain, qui auraient pu provoquer, selon les associations, la mort de Marina.