C’est une décision exceptionnelle, à la hauteur de leur colère. Selon les informations révélées par Europe 1, les magistrats du tribunal de Nantes ont décidé jeudi de suspendre toutes les audiences. Une réaction directe aux déclarations faites par Nicolas Sarkozy dans le cadre de l'affaire Laëtitia, la jeune femme de 18 ans retrouvée morte étranglée, un crime pour lequel Tony Meilhon a été mis en examen.
"Quand on laisse sortir de prison un individu comme le présumé coupable sans s'assurer qu'il sera suivi par un conseiller d'insertion, c'est une faute. Ceux qui ont couvert ou laissé faire cette faute seront sanctionnés, c'est la règle", a déclaré le chef de l'Etat, en visite à Orléans jeudi matin.
La réaction au Palais de justice de Nantes n’a pas tardé : au moins une centaine de personnes, magistrats, avocats, se sont rassemblés dans la salle des pas perdus en début d'après-midi. Ils ont voté à l'unanimité pour "une semaine sans audience", jusqu'au 10 février prochain. A l’exception toutefois des urgences absolues en matière de détention. Les magistrats veulent dénoncer "l'amalgame fait par les plus hautes autorités de l'Etat entre la commission d'un crime et les prétendues carences décisionnelles des services de la justice, de la police et de l'administration pénitentiaire", écrivent-ils dans un communiqué.
Une démarche jugée "démagogique"
Depuis le début de l’affaire, les agents de probation de Loire-Atlantique et les magistrats nient toute faute car c'est faute d'effectifs que le suivi de Tony Meilhon, comme de celui de plus de 800 autres détenus, avait été abandonné, avec l'accord écrit des autorités. Le service de probation ne comptait que 17 agents pour suivre 3.300 personnes et Tony Meilhon, mis à l'épreuve dans le cadre d'un outrage à magistrat, n'était pas vu comme dangereux.
"Notre devoir, c'est de protéger la société de ces monstres, je dis 'monstre' parce que je crois qu'il y a un moment où il faut employer les mots qui correspondent aux situations et ne pas se voiler la réalité", a déclaré Nicolas Sarkozy. "Les magistrats du tribunal de Nantes n'accepteront pas que dans une démarche démagogique visant à masquer l'incurie des pouvoirs publics, des magistrats ou fonctionnaires servent de boucs émissaires", ont répondu les magistrats nantais.
Une colère désormais nationale
En solidarité avec les magistrats de Nantes, l'USM comptait appeler dans un premier temps à des assemblées générales dans toutes les juridictions de France. Les syndicats étudient par ailleurs les modalités d'une action commune au niveau national pour la fin de la semaine prochaine, ont indiqué les deux syndicats.
Chez les magistrats, "le mot ras-le-bol est faible, il y a un sentiment d'injustice et de révolte", a déclaré Matthieu Bonduelle, secrétaire général du Syndicat de la magistrature. "Les propos du président de la République sont scandaleux (...), c'est du populisme de bas étage", a réagi de son côté Christophe Régnard, président de l'Union syndicale des magistrats.
Michel Mercier veut calmer le jeu
Face à la révolte des magistrats, le ministre de la Justice Michel Mercier a proposé de recevoir leur représentants syndicaux. Lors de cette rencontre, le garde des Sceaux compte "évoquer avec eux le contenu des rapports définitifs d'inspection dès que ceux-ci lui auront été communiqués". Lundi, les premiers résultats des enquêtes administratives avaient épinglé les "défaillances" des acteurs de la chaîne pénale.