Nouvelle garde à vue : quelques ratés

La "nouvelle formule" de la garde à vue a provoqué quelques aléas à travers l’Hexagone. Récit.
Policiers et avocats ont dû improviser ce week-end. L’application immédiate de la réforme de la garde à vue, qui prévoit un avocat dès le début de l’audition , a provoqué une certaine agitation dans les commissariats de l’Hexagone. A toute heure du jour ou de la nuit, il a fallu trouver un avocat disponible pour se déplacer dans les commissariats.
Même à Paris et en petite couronne, où le nombre d’avocats est beaucoup plus important, tous n’ont pas pu faire le déplacement. Sur les 600 gardes à vue recensées par la préfecture de police, 362 demandes d’avocats ont été enregistrées. Mais seuls 147 ont répondu à l’appel des commissariats.
Grève en Seine-Saint-Denis
Et la situation est d’autant plus tendue en Seine Saint-Denis, où les avocats sont en grève depuis lundi. Ils réclament une augmentation de leur rémunération pour ces interventions à rallonge.
Autre cas de figure dans les Deux-Sèvres , où le bâtonnier Laurent di Raimondo, a demandé à ses avocats de ne pas appliquer le nouveau régime de la garde à vue. Une position également adoptée par le bâtonnier du Val-de Marne lundi matin. Maître Arnaud Bernard exige un éclaircissement sur les conditions de la rémunération des avocats de permanence.
Une confrontation de mineurs annulée
Résultat, beaucoup d’avocats ont manqué à l’appel des policiers. A Lorient par exemple, une personne a été agressée par quatre individus à la sortie d'un restaurant. L'un d'entre eux a demandé la présence d'un avocat. Mais ses revenus étaient trop élevés pour qu'il puisse bénéficier de l'aide juridictionnelle. L'avocat a alors imposé son tarif : 150 euros de l'heure. A ce prix là, le gardé à vue a préféré se passer de son assistance.
Autre exemple en Seine-et-Marne, où la moitié des personnes placées en garde à vue ont demandé la présence d'un avocat. Mais il était très difficile d'en trouver un. Au début du week-end, seul un avocat sur dix était disponible, contre trois sur dix dimanche. Conséquence, à Melun, dans une affaire de violences mettant en cause trois mineurs, il a été impossible de trouver trois avocats. Finalement, la confrontation qui aurait permis d'éclaircir les faits n'a pu être organisée...
Un avocat réveillé en pleine nuit
Pour faire face à cette carence, de nombreux barreaux avaient renforcé les permanences du week-end. Mais cette mesure n’a pas toujours suffi. A l’instar du Gers, où quatre Roumains ont été interpellés dans la nuit de samedi à dimanche. Il fallait donc trouver quatre avocats disponibles en pleine nuit, rapporte La Dépêche du Midi.
Un conseil a été réveillé à 5 heures du matin, mais n’est arrivé au commissariat qu’à 11h30. "Les policiers qui avaient passé la nuit sur la procédure étaient lessivés mais charmants. Ils m'ont remis le procès-verbal de garde-à-vue, ce dont on ne disposait pas avant. Finalement, le jeune a changé d'avis. Je me suis donc déplacée une heure pour rien", a raconté Me Gomes au quotidien régional.
A Paris, le scénario a été plus violent. Un avocat s'est violemment emporté vendredi contre un officier de police judiciaire à qui il voulait poser des questions, dans un commissariat du 18e arrondissement de la capitale.
Dans d’autres villes de l’Hexagone, le climat était plus serein. A Saint-Etienne, huit avocats étaient présents pour honorer les gardes à vue, note Le Progrès . "Les premières auditions se sont déroulées sans problème", a raconté au journal, Laurent Vérilhac, bâtonnier de Saint-Etienne.
Des auditions plus longues
Pas d’inquiétude majeure non plus à Lyon. "Malgré l’urgence, il n’y a pas eu de souci matériel. Les applications informatiques étaient en place vendredi soir, et chaque fonctionnaire dispose des documents qui permettent de respecter la nouvelle procédure", a expliqué au Progrès le commissaire Fabrice Costelle, patron de la permanence de l’hôtel de police de Lyon.
A Bordeaux, la nouvelle formule est en revanche perçue comme plus complexe, aux yeux des policiers. "Des auditions plus longues, un alourdissement du formalisme procédural", a résumé un policier bordelais au journal Sud Ouest . "L'essentiel est de tout faire posément, tout acter, tout noter, tout écrire", estime encore un officier cité par le quotidien.
Les choses risquent d’être plus complexes à appliquer dans les brigades de gendarmerie, plus rurales, où trouver un avocat de proximité à tous moments s’annonce plus laborieux.