En "outant" Florian Philippot vendredi, le magazine Closer a sauté un pas jusque là inédit en France : la révélation par un magazine people de l'homosexualité d'une personnalité politique. Venu des Etats-Unis, l'"outing" reste exceptionnel en France. Les personnalités politiques françaises à avoir vu leur homosexualité révélée sans leur accord se comptent ainsi sur les doigts d'une main.
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Qu'est-ce que l'"outing" ? Le Larousse définit le procédé comme "la révélation par un tiers de l’homosexualité d’une personne, sans l’accord préalable de celle-ci". En résumé, c'est la version contrainte du "coming out". Si l"outing" peut être accidentel, il est traditionnellement présenté comme un levier d'action "politique" des activistes pro gay, explique Éric Fassin, professeur de science politique à l'université Paris VIII et auteur de L’inversion de la question homosexuelle
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J'espère que les journalistes condamneront l'attitude de #closer outant @f_philippot sans réserve par rapport à son parti— David-Xavier Weiss (@dxweiss) 11 Décembre 2014
Un procédé né avec l'épidémie de Sida. L'"outing" est né aux Etats-Unis à la fin des années 80. Le Sida fait alors des ravages et, pour les activistes d’Act Up : "silence = death" (silence = mort). Pour lutter contre l'homophobie, l'association engage les homosexuels à "sortir du placard"... et menace ceux qui ne sautent pas le pas de le faire pour eux. L'un des premiers "outing" aura lieu en 1989 à Portland, dans l'Oregon. Dans le viseur d'Act Up : Mark Hatfield, un sénateur républicain qui avait soutenu différentes mesures homophobes. Dès lors, l'"outing" et, surtout, la menace d'"outing" sera utilisée comme une arme politique aux Etats-Unis, bien sûr, mais aussi en Grande-Bretagne avec l'association activiste radicale OutRage! notamment.
L'"outing" est-il, pour autant courant, dans les pays anglo-saxons ? "On a tendance à surévaluer le phénomène", estime Éric Fassin . D'après lui, "même aux Etats-Unis et en Grande-Bretagne, l'"outing" reste exceptionnel, ce qui n'est pas le cas du coming out".
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En France, un usage avant tout dissuasif. En France, dans les années 90, Act-up a adopté le principe du "outing". Mais l'association n'est jamais formellement passée à l'acte. Au final, en France, ce ne sont pas des associations mais des médias que sont venus les "outing" de personnalités politiques. Pour la plupart, il s'agit d'"outing" "au sens strict, mais pas au sens politique, c'est-à-dire visant à dénoncer des contradictions entre discours et comportement", souligne Éric Fassin.
Rappel des précédents cas d'"outing" de politiques :
# Renaud Donnedieu de Vabres. Fin 98, les premières manifestations contre le Pacs ont lieu dans toute la France. Lors de certains de ces rassemblements, des slogans homophobes sont proférés. En 99, Act Up menace alors publiquement d'"outing" un député de droite ouvertement hostile au Pacs. Son nom ne sera jamais cité par l'association mais l'information circule. Ce n'est finalement qu'en 2003 que l'on apprendra – dans le livre de Guy Birenbaum, Nos délits d'initiés, mes soupçons de citoyen – que le député en question est Renaud Donnedieu de Vabres. L'info est reprise par Les Inrocks. Le député ne poursuivra, ni le journaliste, ni le magazine mais il n'infirmera, ni ne confirmera jamais non plus son homosexualité.
# Jean-Luc Romero. En octobre 2000, Jean-Luc Romero, alors conseiller régional UMP d'Ile-de-France, voit son homosexualité révélée dans un magazine gratuit distribué dans les établissements gays "e-m(a)le". L'article ne remet pas en cause l'engagement de l'élu parisien en faveur de la communauté homosexuelle mais Jean-Luc Romero est présenté au détour d'une phrase comme "homosexuel lui-même". Le journaliste expliquera par la suite qu'il ignorait que l'homosexualité de l'élu n'était pas connue du grand public. Jean-Luc Romero portera plainte contre la publication et racontera dans un livre l'année suivante comment cette révélation l'a empêché de dire lui-même "sa" vérité. Dans cet ouvrage, Jean-Luc Romero affirme, en effet, qu'il était justement sur le point de faire son "coming out"…
# David-Xavier Weiss. En 2011, le Canard enchaîné affirme que le secrétaire national de l'UMP chargé des médias, David-Xavier Weiss, est en couple avec un ancien ministre. "Je l'ai très mal vécu, c'est une chose que l'on veut réserver à ses proches. Or, ma famille n'était pas au courant", a raconté l'intéressé à Jean-Marc Morandini vendredi matin. Derrière cet "outing", le maire-adjoint de Levallois voit "un argument politique pour déstabiliser".
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Florian Philippot, un outing en mode "scoop". En publiant vendredi une photo de Florian Philippot avec un homme présenté comme son compagnon, Closer inaugure une forme d'"outing" inédit. "On est là dans une logique de scoop, dans une stratégie commerciale qui s'inscrit dans un cadre politique parce qu'elle concerne un politique… mais qui n'est pas réellement politique", analyse Éric Fassin. Pour lui, le coup s'inscrit ainsi dans la lignée de la révélation de la liaison Hollande-Gayet. Même si l'absence de notoriété du compagnon supposé de Florian Philippot, notamment, lui fait dire : "il s'agit bien d'un "outing", pas de doute là-dessus".
Laurence Pieau (Closer) : "Philippot est un personnage de premier plan" http://t.co/Vp54d0uhFO#Europe1pic.twitter.com/17dqk1v8kQ— LGDM Morandini (@LGDM_Officiel) 12 Décembre 2014