Peut-on vraiment interdire les spectacles de Dieudonné ?

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Les annonces de Manuel Valls risquent d'être peu efficaces d'un point de vue juridique.

Les annonces de Manuel Valls pour interdire les spectacles de Dieudonné seront-elles applicables juridiquement ? La question est posée depuis la décision de la place Beauvau d'étudier "toutes les voies juridiques" pour interdire les "réunions publiques" de l'humoriste-polémiste. Manuel Valls risque en effet d'être confronté à un droit strict en matière de libertés publiques. Europe1.fr vous résume pourquoi il sera compliqué d'interdire les spectacles de Dieudonné.

Que propose Manuel Valls ? L'humoriste est actuellement dans le viseur du ministère de l'Intérieur. Pour la place Beauvau, ses spectacles "n'appartiennent plus à la dimension créative mais contribuent à accroître les risques de troubles à l'ordre public". Une circulaire doit donc être transmise aux préfets pour les inviter à évaluer le risque de trouble à l'ordre public induit par les représentations de Dieudonné.

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Les arrêtés municipaux difficiles à faire valoir. Au cours de l'année 2013, une dizaine de villes ont demandé au préfet l'annulation des spectacles de Dieudonné. Et depuis l'annonce du ministère de l'Intérieur, plusieurs municipalités, comme Marseille et Nantes, ont fait cette même demande.

Des annonces qui n'ont pas manqué de faire réagir Me Jacques Verdier, l'avocat de Dieudonné. Ce dernier s'est empressé de faire remarquer que sur la quinzaine de recours portés par les collectivités en annulation de spectacles, tous avaient été perdus. "Jamais un spectacle de Dieudonné n'a été interdit. Chaque fois qu'un arrêté est pris, on le fait suspendre", a rappelé vendredi Me Jacques Verdier. "S'il y a un arrêté le jour où Dieudonné va attaquer sa tournée, on le fera suspendre, comme on l'a déjà fait dans de nombreuses villes", a-t-il prévenu, évoquant une tournée commençant en janvier.

La liberté d'expression et de réunion prévalent. Si un spectacle est interdit par arrêté municipal, son organisateur peut en effet saisir le juge administratif en référé. Et, généralement, le principe de la liberté de réunion prévaut. C'est en tout cas ce qu'il s'est passé en février 2012, lorsque la municipalité d'Orvault, en Loire-Atlantique, a tenté de faire interdire un spectacle de Dieudonné. L'humoriste avait alors déposé un recours en référé, avant de saisir le Conseil d'Etat, qui lui avait donné raison. La plus haute juridiction française avait en effet estimé que la liberté d'expression était une liberté fondamentale.

Dans la plupart des cas, le droit est implacable en matière de liberté d'expression. "Ce droit est particulièrement large en ce qui concerne les spectacles humoristiques", souligne Me Patrice Spinosi, avocat au Conseil d'État et à la Cour de cassation, interrogé par Le Figaro. "Il faut vraiment que l'atteinte à l'ordre public soit caractérisée et que l'interdiction soit proportionnée au risque", précise-t-il.

Le trouble à l'ordre public difficile à faire valoir. Pour interdire les spectacles de Dieudonné, les municipalités devront donc "justifier le risque de troubles à l'ordre public", indique Sophie Viaris, avocate associée au cabinet Pierrat, contactée par francetv info. Sauf que cette notion juridique, particulièrement difficile à définir, ne concerne pas directement les spectacles. Selon légifrance, elle s'applique en effet à "tout rassemblement de personnes sur la voie publique ou dans un lieu public susceptible de troubler l'ordre public.

"Pour un spectacle, même sulfureux, une équipe de police en faction devant la salle suffit à . Donc, il est en pratique impossible de justifier l’interdiction du spectacle au motif du trouble à l’ordre public", note Me Gilles Devers sur son blog.

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