Depuis des mois, il se prépare à son procès. Et compte bien obtenir la relaxe. Jérôme Kerviel, 33 ans, qui a fait perdre 4,9 milliards d’euros à la Société Générale, refuse de porter le chapeau du trader fou et machiavélique. Jusqu’au 25 juin, celui que l’on a surnommé le Tom Cruise de la finance sera seul sur le banc des accusés du tribunal correctionnel de Paris. Il risque cinq ans de prison et 375.000 euros d’amende.
Victime d’un système ?
Avant de convaincre les juges de sa bonne foi, Jérôme Kerviel a cherché à gagner l’opinion publique. Un mois tout juste avant l’ouverture de son procès, il a publié un livre-confession l’Engrenage. Mémoires d’un trader. Fait le tour des médias. A chaque fois ou presque, la même rengaine. Oui, il est allé trop loin, mais sa hiérarchie savait, a laissé faire " la bonne gagneuse" qu’il était.
Déconnecté de la réalité
Un bon petit soldat de la Société Générale, un trader comme les autres, embarqué dans un monde virtuel et devenu addict à son métier. Voilà ce que confesse Jérôme Kerviel. Dans un entretien à Libération, il décrit sans concession son ancien boulot : "Si j’étais encore trader, il est clair que j’aurais contribué à enfoncer la Grèce. Je me fichais pas mal de l’impact qu’avaient mes opérations sur la vie réelle. L’important, c’était de faire du fric". Dans le bureau du juge d’instruction Renaud Van Ruymbeke, il détaillera son état d’esprit d’alors : "les montants n'avaient plus de sens. J'étais pris dans une spirale, j'étais grisé par le succès".
"Mister Nobody "
Il n’a pourtant rien d’un golden-boy. L’appât du gain ne semble pas avoir été sa motivation première. En 2007, Jérôme Kerviel a perçu un revenu annuel de 48.500 euros, confortable dans l'absolu, mais très éloigné des sommets que peuvent atteindre les salaires des traders, avec un bonus de 60.000 euros en 2006, également classique dans ce milieu. Son train de vie n’avait rien d’extravagant. Un petit logement à Neuilly, pas de voiture de luxe, peu de sorties. Le trader passait douze heures par jour au travail et s'informait sur les marchés dès qu’il rentrait chez lui.
Un besoin de reconnaissance ?
Jérôme Kerviel est né le 11 janvier 1977 à Pont l'Abbé, un bourg de 8.000 habitants proche de Quimper. Sa mère tient un salon de coiffure, son père est artisan forgeron. La famille est modeste, catholique pratiquante.
Attiré par le monde de la banque, le jeune Kerviel s’oriente vers la finance. Il obtient un DESS d’organisation et de contrôle des marchés financiers à l'université de Lyon. Ne sortant pas d’une grande école, il n’a pas le bagage pour intégrer directement le prestigieux front office. En 2000, il est embauché comme soutier au "middle-office"à la Société générale, chargé de vérifier les opérations réalisées par ses supérieurs. Deux ans plus tard, il devient assistant trader et, début 2005, accède au poste tant convoité de trader.
Certains de ses collègues, qui le surnommaient "Mister Nobody" avancent la thèse d’un complexe d’infériorité pour expliquer ses prises de risques inconsidérées à partir de mars 2007. Une version démentie par l’intéressé. Jérôme Kerviel a désormais 15 jours pour convaincre.