La cour d'appel ira-t-elle dans le sens des prud'hommes qui avaient accordé sa première victoire judiciaire à Jérôme Kerviel ? En 2016, la Société générale avait été condamnée à payer quelque 455.000 euros à son ancien trader, mais le dossier est rejugé mardi à Paris.
Dès l'annonce du jugement, la banque avait annoncé qu'elle ferait appel de cette décision qualifiée de "scandaleuse" par son avocat. Jérôme Kerviel se félicitait lui d'un jugement qui le lavait "de l'infamie et de l'opprobre" attachés à son nom depuis 2008. Le conseil de prud'hommes a jugé en juin 2016 que Jérôme Kerviel avait été licencié début 2008 "sans cause réelle ni sérieuse" et dans des conditions "vexatoires".
L'une des batailles judiciaires. Ce dossier qui va être rejugé mardi après-midi par la cour d'appel de Paris n'est qu'une des multiples batailles judiciaires qui ont opposé depuis dix ans la Société générale à son ancien trader, aujourd'hui âgé de 41 ans.
En 2010, Jérôme Kerviel a été condamné à cinq ans de prison, dont deux avec sursis, pour abus de confiance, faux et usage de faux ainsi que pour manipulations informatiques, pour avoir fait perdre 4,9 milliards d'euros à la Société générale plus de deux ans auparavant. Un jugement confirmé en appel en 2012 et maintenu en 2014 dans ses dispositions pénales par la Cour de cassation, qui avait en revanche cassé les dispositions civiles.
Au total, six mois en détention. La condamnation pénale est définitive : l'ancien trader demandait un nouveau procès, mais la justice le lui a refusé en septembre. Il a passé au total moins de six mois en détention et n'est plus sous bracelet électronique depuis juin 2015.
Une demi-victoire au civil. En septembre 2016, trois mois après les prud'hommes, Jérôme Kerviel a remporté une demi-victoire au civil : la cour d'appel de Versailles a ramené de 4,9 milliards à un million d'euros le montant des dommages et intérêts qu'il devait à la Société générale. La cour a jugé qu'il n'était que "partiellement responsable du préjudice" subi par la banque. La Société générale se voit réclamer par le fisc le remboursement du crédit d'impôt de 2,2 milliards d'euros dont elle a bénéficié juste après la fraude, puisque la faute n'est plus totalement imputée à Jérôme Kerviel.
Tout au long de ces procédures, la question centrale a été de savoir si la Société générale savait ce que faisait son trader ou si elle a, comme elle le dit, été trompée par Jérôme Kerviel. Le conseil de prud'hommes avait estimé, dans un argumentaire très sévère pour la Société générale, que cette dernière avait connaissance des dépassements par Jérôme Kerviel des limites imposées aux opérations de marché "bien avant" de lui signifier son licenciement le 18 janvier 2008.
Le licenciement intervenu pour "des faits prescrits". Il soulignait que Jérôme Kerviel avait été rappelé à l'ordre oralement par la banque "dès 2005", et qu'un courriel interne évoquait des "opérations fictives" dès avril 2007. Or la loi impose aux employeurs d'engager des procédures disciplinaires au plus tard deux mois après avoir pris connaissances d'un "fait fautif". Le conseil de prud'hommes avait donc expliqué que le licenciement début 2008, pour "faute lourde", était intervenu pour des faits "prescrits".
Cette juridiction a accordé à l'ancien trader le paiement d'un bonus de 300.000 euros pour l'année 2007, rappelant que les activités de Jérôme Kerviel avaient généré des profits sans que le trader lui-même n'en tire un "enrichissement personnel". En ajoutant diverses indemnités, la somme s'élevait à quelque 455.000 euros. Un montant que Jérôme Kerviel espère voir confirmé en appel. Pour la Société générale en revanche, la décision du conseil de prud'hommes "va à l'encontre tant de l'ensemble des décisions, aujourd'hui définitives, rendues au plan pénal dans ce dossier, que du droit du travail".