Simples techniques d'enquêteurs ou incitation à passer à l'acte ? La Cour d'appel de Versailles s'est penchée ce vendredi sur les méthodes policières employées dans l'enquête sur le chantage à la sextape contre Mathieu Valbuena et dans laquelle Karim Benzema est mis en examen pour "complicité de tentative de chantage" et "participation à une association de malfaiteurs".
C'est notamment l'une des pièce-maîtresse du dossier, les négociations téléphoniques entre un policier se faisant passer pour un homme de confiance de Valbuena et un maître-chanteur présumé, qui ont été examinées par la chambre de l'instruction. La justice rendra sa décision le 16 décembre. Si la nullité de la procédure est avérée, Karim Benzema pourrait être entièrement disculpé.
M. Lukas, l' "ami proche" de Mathieu Valbuena. Dès le début de l'affaire et la plainte de Mathieu Valbuena, un enquêteur de la police judiciaire de Versailles est désigné pour répondre aux appels des maîtres-chanteurs. Se faisant passer pour "M. Lukas", un "ami proche" du joueur, le policier entame alors une longue conversation téléphonique afin de déterminer jusqu'où les malfaiteurs sont prêts à aller. Les procès-verbaux d'écoutes font ainsi état de plusieurs appels à répétition, dont certains, à l'initiative de l'enquêteur qui se montre insistant auprès du maître-chanteur.
"Provocation à l'infraction". Pour les avocats des suspects, c'est le policier qui, par ses méthodes, a provoqué le chantage. "C'est une provocation à l'infraction", avait déclaré Marion Ménage qui défend Younès Houass, soupçonné d'être le premier à avoir tenté de faire chanter Mathieu Valbuena. "On ne saura jamais ce qui se serait passé si le policier n'avait pas rappelé", ajoute l'avocate. Interrogé dans Le Parisien, son client confirme et soutient que c'est bien l'enquêteur qui, le premier, parle d'argent : "C'est le seul qui en parle dans ce dossier. [...] A plusieurs reprises il me demande ce que je veux, je lui réponds que je ne suis pas là pour ça".
Pour Serge Money, avocat de Mustapha Zouaoui, l'un des deux "cerveaux" présumés du chantage, l'enquêteur est allé trop loin : "Il y a eu déloyauté : ce policier s'est emballé, il a été virulent [...] on a l'impression qu'il voulait monter un beau dossier". C'est lui qui a déposé le premier une demande de nullité de la procédure qu'il juge "déloyale" : "Pour moi c'est le policier qui a provoqué l'infraction".
Loyauté de la preuve. S'appuyant sur une jurisprudence de la Cour de cassation, Serge Money, suivi par maîtres Cormier et Dupont-Moretti, avocats de Karim Benzema, demande à ce que les preuves obtenues au moyen de la provocation soient jugées irrecevables. Suivant le principe de loyauté de la preuve, la justice distingue la provocation à la preuve (faire apparaître une preuve qui serait commise sans intervention ou incitation extérieure) et la provocation à l'infraction (qui n'aurait pas lieu sans intervention externe).
Car "l'affaire de la sextape" pose en effet la question du cadre et des limites dans lesquelles les policiers évoluent au cours de leurs enquêtes et on se souvient,dans un autre domaine, des méthodes du FBI, accusé par l'ONG Human Rights Watch, d'avoir encouragé des musulmans américains à commettre des attentats.
Nullité de la procédure. La Cour d'appel de Versailles se prononcera le 16 décembre prochain mais si elle estime que certaines parties de la procédure sont nulles, celles-ci seront retirées du dossier et plus aucun élément ne pourra en être tiré. Du coup, plusieurs scenarii pourraient se profiler : soit la requête est jugée irrecevable, soit la cour d'appel retire les passages d'écoute où le policier se serait montré "insistant", soit enfin, la procédure est annulée dans son ensemble. Karim Benzema devra encore attendre deux mois avant de savoir s'il sera complètement blanchi.
Djibril Cissé, mis en examen ?
La Cour d'appel de Versailles a également étudié le recours du parquet demandant la mise en examen du footballeur, pour complicité de tentative de chantage. Entendu et mis en garde à vue en octobre 2015, l'ancien attaquant de l'équipe de France avait convaincu les enquêteurs de sa bonne foi. Une demande de mise en examen du footballeur avait été refusée une première fois en août, que le juge d'instruction avait alors refusée.