Elles avaient été mises en examen pendant 18 ans pour rien dans l'enquête sur l'assassinat du préfet Claude Erignac. Neuf personnes, innocentées 18 ans après leur mise en examen dans un volet secondaire de l'enquête sur l'assassinat du préfet de Corse, ont obtenu lundi à Paris la condamnation de l'État pour "faute lourde" et le versement à chacune de 100.000 euros de dommages et intérêts.
18 ans d'instruction. Le tribunal de grande instance de Paris a relevé dans sa décision le "délai déraisonnable de la procédure d'instruction", alors que ces neuf personnes, mises en examen en 1998, n'avaient depuis 1999 "plus jamais été entendues ni été confrontées à aucun protagoniste". En juin 2016, un non-lieu général avait été prononcé dans cette enquête, restée ouverte pendant 18 ans, malgré l'arrestation et les condamnations définitives entre-temps des membres du commando et d'Yvan Colonna pour l'assassinat du préfet le 6 février 1998 à Ajaccio. Ce non-lieu avait bénéficié à 31 personnes. Neuf d'entre elles, dont certaines ont été maintenues sous contrôle judiciaire jusqu'à la fin de la procédure, avaient saisi la justice pour obtenir la condamnation de l'État.
La lenteur du parquet. Le tribunal a pleinement reconnu leur "préjudice moral" et condamné à ce titre l'État à leur verser à chacune la somme de 100.000 euros à titre de dommages et intérêts, et à s'acquitter des frais de justice. Il a en revanche débouté les demandeurs de leur demande de réparation pour "préjudice économique". La justice estime non seulement qu'une "faute lourde a été commise en laissant sous contrôle judiciaire depuis 1999 des personnes mises en examen qui n'ont plus jamais été entendues", mais a aussi relevé la lenteur du parquet, qui a rendu son réquisitoire définitif "plus de deux années" après que le juge eut clôturé son enquête, un délai "anormal".
Un dossier "complexe"
L'avocate de l'État avait tenté de justifier les 18 ans de procédure par "l'extrême complexité" du dossier. Au moment de l'assassinat du préfet Érignac, l'île était traversée par une contestation agricole violente contre une nouvelle politique du gouvernement resserrant la vis des aides financières. L'ex-patron de la division antiterroriste, Roger Marion, s'était lancé sur cette "piste agricole" en raison de liens supposés de syndicalistes corses avec le nationalisme armé, estimant que le préfet aurait pu être assassiné pour s'être opposé au monde agricole. Dans ce volet de l'enquête, quelque 650 personnes ont été entendues, 350 placées en garde à vue et 42 mises en examen. Le véritable commando, objet d'une procédure distincte, avait été arrêté en 1999.