C'est un "naufrage", pour certaines figures féministes françaises. Les propos d'Élisabeth Badinter tenus sur France inter, appelant les femmes victimes de viol "à prendre ses responsabilités" pour porter plainte, ont provoqué un tollé dans le monde politique français. Pour Alain Finkielkraut, "ces attaques révèlent la brutalisation et la radicalisation de la vie publique".
"Aujourd'hui en France, sous l'égide du nouveau féminisme du nouvel antiracisme et plus généralement de ce qu'on appelle le wokisme, il n'y a plus de place pour les divergences", assure le philosophe. Et de poursuivre : "Si vous ne vous inscrivez pas dans le sens de l'histoire fixée par les progressistes autoproclamés, alors vous vous êtes aussitôt qualifiés d'être malfaisant, ignoble, de taré, de gâteux."
"La vie privée, une valeur cardinale"
Pour l'essayiste, les propos de la figure féministe "tombent sous le sens". "Elle a dit que les violences sexuelles n'étaient pas un crime contre l'humanité. Voilà pourquoi elles ne pouvaient pas être imprescriptible. On nous tympanise avec le devoir de mémoire, mais si on est même pas capable de savoir ce qu'a de spécifique un crime contre l'humanité, alors ça veut dire qu'on n'a rien compris à l'histoire dont on se réclame tout le temps", conclut-il au micro d'Europe 1.
Autre sujet qui doit être rapidement traité aux yeux d'Alain Finkielkraut, le respect de la vie privée. "Les cellules de lutte contre les violences sexistes et sexuelles (VSS) placent les individus suspects sous une surveillance permanente. Le cas de Julien Bayou est extrêmement révélateur. "On interroge des femmes sur son comportement prétendument toxique. Mais c'est intéressant parce que les penseurs, les écrivains qui ont traversé l'épreuve du communisme font de la vie privée une valeur cardinale".
Le néoféminisme, "une sorte de totalitarisme"?
"C'est ce que dit notamment Milan Kundera. 'Le privé et le public sont deux mondes différents par essence, et le respect de ces différences est la condition sine qua none pour qu'un homme puisse vivre en homme libre'. Le rideau qui s'épare ces deux mondes est intouchable et les arracheurs de rideaux sont des criminels", poursuit-il.
Et de conclure : "Ça ne veut pas dire qu'on peut tout faire dans la vie. On ne peut pas tuer. Il n'empêche qu'aujourd'hui, on voit bien que l'expérience totalitaire n'a eu aucun véritable retentissement. C'est comme si le XXᵉ siècle n'avait pas eu lieu. Et le néoféminisme est aujourd'hui une sorte de totalitarisme."