Comme dans le cas de l'attaque meurtrière au couteau et au marteau samedi soir à Paris, qualifier la nature des actes commis par des personnes radicalisées s'avère complexe quand se mélangent troubles mentaux et motivations idéologiques. "Comme souvent dans ces affaires, s'entremêlent une idéologie, une personnalité influençable et malheureusement la psychiatrie", a estimé dimanche le ministre de la Santé, Aurélien Rousseau. "Même si on a largement renforcé depuis quelques années les liens entre (les) psychiatres et les autorités qui suivent ces personnes radicalisées, ça ne nous permet pas de savoir quel est le jour et l'heure du passage à l'acte", a-t-il ajouté sur France 3.
Un "traitement" sans hospitalisation
Près de la Tour Eiffel, un homme a tué à coups de couteau un touriste germano-philippin avant de blesser au marteau deux autres personnes, traumatisées mais "en bonne santé", selon le ministre. Interpellé, Le terroriste, né en France en 1997 de parents iraniens, est de nationalité française et connu de la justice pour islam radical et troubles psychiatriques, de sources policières. Le Parquet antiterroriste (Pnat) a ouvert une enquête. Va être notamment décortiqué le suivi médical de l'auteur, au "profil très instable, très influençable", selon une source sécuritaire à l'AFP.
Le ministre de la Santé a confirmé que Le terroriste était soumis à un "suivi" psychiatrique, un "traitement" sans hospitalisation, depuis qu'il est sorti de prison en 2020, de sources proches du dossier, après une condamnation pour un projet d'attentat en 2016.
Expertise psychiatrique
Les premiers éléments montrent que le "suivi" a bien eu lieu au départ. Mais les autorités examinent encore la suite du parcours du terroriste, qui s'est ensuite installé dans "un autre département", a indiqué le ministre, qui participe dimanche après-midi avec ses collègues de l'Intérieur et de la Justice à la réunion sécuritaire à Matignon. Moins de 24 heures après l'attaque, Denis Leguay, président de la fédération Santé Mentale France, reste très prudent sur les explications possibles du passage à l'acte du terroriste, dans un contexte de guerre entre Israël et le Hamas et de tensions en France.
"On peut s'interroger sur l'influence de tout ce qui se passe dans l'actualité, qui est abondamment relayé et qui peut agir sur le comportement et le bon équilibre psychique de ce genre de personne présentée comme fragile", a-t-il indiqué à l'AFP. Mais dans le cas précis de l'attaque de samedi, "il est trop tôt pour s'exprimer car nous ne savons pas dans quel état psychique il est actuellement, il faut attendre une expertise psychiatrique".
Le psychiatre pointe cependant ce qui peut être perçu comme un paradoxe : "Cet homme serait suivi par le système de soins psychiatriques mais en même temps, il a dans un passé récent été incarcéré et donc considéré comme responsable de ses actes". "Il est donc aujourd'hui difficile de qualifier ses actes sans en savoir davantage sur son état psychique au moment où il les commettait", conclut-il.
"Détermination"
Pour le médecin urgentiste Patrick Pelloux, interrogé sur BFMTV, "il faut éviter dès qu'il y a un attentat de dire : C'est la faute à la psychiatrie". "Je comprends qu'on veuille se mettre à l'abri pour dire : C'est la faute à l'autre, mais il y a la détermination du terroriste, dans ce cas, c'est très structuré. Il a bien réfléchi à comment il frappait" sa victime, "où taper", a ajouté le médecin, présent sur les lieux de l'attaque samedi. Ce drame remet en lumière la difficulté récurrente pour la justice de tracer la frontière entre un acte terroriste et un crime de droit commun, a fortiori quand l'auteur souffre de troubles mentaux et agit de façon solitaire.
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A des degrés divers, l'enjeu psychiatrique est intervenu dans plusieurs attaques dont s'est saisie la justice antiterroriste ces dernières années, comme à la préfecture de police de Paris (octobre 2019) ou Rambouillet (avril 2021). Le Pnat a, en revanche, écarté d'autres dossiers, comme celui d'un homme fiché pour radicalisation islamiste, connu pour des troubles psychiques, qui avait menacé avec un couteau des policiers messins en janvier 2020.
Selon le code pénal, le Pnat doit se saisir si des infractions sont commises "intentionnellement en relation avec une entreprise individuelle ou collective ayant pour but de troubler gravement l'ordre public par l'intimidation ou la terreur". Cela implique d'une part une préméditation et d'autre part son rattachement à un mouvement politique ou idéologique, par le biais par exemple d'une revendication ou l'imitation d'un mode d'action.