Saint-Etienne-du-Rouvray : qui est Adel K., l'un des deux assaillants ?

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Guillaume Biet et avec AFP , modifié à
L'Etat islamique a présenté les deux auteurs de la prise d'otages meurtrière, mardi matin, dans une église près de Rouen, comme ses "soldats". L'un d'eux a été formellement identifié, dans la soirée.   

Mardi matin, ils ont égorgé le prêtre Jacques Hamel en pleine messe, en l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray, près de Rouen. Présentés comme des "soldats" de l'Etat islamique, par l'organisation terroriste dans un communiqué, deux individus ont mené une prise d'otage - munis d'armes blanches - avant d'être abattus par les forces de l'ordre. Si l'un des deux auteurs de cet acte n'a toujours pas été formellement identifié, on en sait plus sur le deuxième, un homme de 19 ans qui résidait dans la commune normande de 29.000 habitants. 

Connu de la justice antiterroriste. Selon les premiers éléments d'investigation, les enquêteurs ont d'abord reconnu physiquement l'un des deux assaillants. Celui-ci a ensuite été formellement identifié en fin de journée grâce à "ses empreintes papillaires", a indiqué le procureur de la République de Paris, François Molins, lors d'une conférence de presse mardi soir. Il s'agit d'Adel K., est né le 25 mars 1997, à Mont-Saint-Aignan, une commune limitrophe de Rouen, en Seine-Maritime. 

Le jeune homme, qui n'avait "aucune condamnation sur son casier judiciaire", selon François Molins, était néanmoins connu des services de renseignement et de la justice pour avoir tenté de rejoindre à deux reprises la Syrie. Faisant l'objet d'une surveillance électronique (avec port de bracelet), il habitait chez ses parents à Saint-Etienne-du-Rouvray

L'attentat contre Charlie Hebdo, point de bascule. D'après les informations d'Europe 1, ce garçon se serait subitement radicalisé après les attentats de janvier 2015. La tuerie de Charlie Hebdo a agi comme "un détonateur", racontait sa mère à la Tribune de Genève, après qu'il a été interpellé sur la route de Syrie. En l'espace de trois mois, le jeune homme issu d'une fratrie de cinq enfants se radicalise. "Il disait qu’on ne pouvait pas exercer sa religion tranquillement en France. Il parlait avec des mots qui ne lui appartenaient pas", confiait-t-elle, impuissante au journal suisse.

Intercepté sur la route de la Syrie... Au point de tenter de partir faire le djihad en Syrie, une première fois, le 23 mars 2015. A l'époque, il n'a pas encore 18 ans. Son parcours s'arrête toutefois en Allemagne, après qu'un "membre de sa famille a signalé la disparition du jeune homme", a précisé François Molins, mardi soir. L'homme, qui usurpait alors l'identité de son frère, est interpellé le jour-même à Munich puis placé en garde à vue à son retour en France. 

Cinq jours après son arrestation, il est mis en examen pour "association de malfaiteurs en vue de la préparation d'actes terroristes" et placé sous contrôle judiciaire. Adel K., qui vient alors tout juste de fêter ses 18 ans, a "interdiction de quitter le département", doit pointer "une fois par semaine au commissariat", et "suivre une formation professionnelle", a détaillé François Molins. 

... à deux reprises. Mais un mois et demi plus tard, le 11 mai 2015, il tente à nouveau de rallier la Syrie, violant son contrôle judiciaire. "Un mandat d'arrêt international est alors décerné à son encontre", a rapporté le procureur. Cette fois, le jeune homme réussit à aller jusqu'à Genève avec un copain âgé de 16 ans.

Là, les deux compagnons s'envolent pour Istanbul. Mais les alertes et les fichiers de surveillance fonctionnent bien : le jeune duo en partance pour le djihad est arrêté le 13 mai 2015 par les Turcs. D'après François Molins, le jeune homme tout juste majeur est alors "retrouvé en possession de la carte d'identité de son cousin". En provenance de Genève, il est alors renvoyé vers la Suisse. Puis, remis à la France le 22 mai 2015 en exécution du mandat d'arrêt.

Libéré en mars dernier. Le jour même, le contrôle judiciaire d'Adel K. est "révoqué", a précisé le procureur de la République de Paris. Mis en examen par un juge antiterroriste pour cette nouvelle tentative de départ, il est alors placé en détention provisoire à Fleury-Mérogis, d'après Le Monde. A l'époque, le jeune homme confie à sa mère lui demandant ce qui lui est passé par la tête : "La France, ça m'saoule". 

Dix mois plus tard, le 18 mars 2016, le jeune Normand obtient pourtant une remise en liberté "dans le cadre d'une assignation à résidence sous surveillance électronique", avec notamment, parmi "un certain nombre d'obligations", le port d'un bracelet et une assignation a résidence, au domicile de ses parents. D'après nos informations, le parquet antiterroriste, qui souhaite son maintien en détention, s'oppose alors à cette décision. Mais en vain. Le 25 mars 2016, "la chambre d'instruction de la cour d'appel de Paris a confirmé la décision du juge d'instruction", a déclaré François Molins. Le candidat au djihad sort donc de prison, fin mars dernier.

EGLISE

Les deux assaillants ont fait irruption en plein milieu de la messe, mardi matin, et ont tué le prêtre à l'aide d'une arme blanche. (Crédit photo : AFP)

Un attentat commis pendant ses horaires autorisés de sortie. Après ses velléités de départ contrariées, le jeune homme s'est finalement dirigé vers une cible plus proche. Malgré son placement sous assignation à résidence avec surveillance électronique, Adel K. était autorisé à sortir chaque matin de semaine "entre 8h30 et 12 heures", a précisé le procureur.

C'est dans ce créneau horaire, au moment où Adel K. avait le droit de sortir de chez lui, que la prise d'otages en l'église de Saint-Etienne-du-Rouvray a commencé, mardi matin alors que la messe était célébrée par l'abbé Jacques Hamel. Accompagné d'un complice, le Normand de 19 ans a fait irruption, à 9h25, durant l'office par l'arrière du bâtiment religieux. Munis d'armes blanches - dont un couteau de cuisine - et de faux engins explosifs, les deux assaillants ont pris en otages cinq personnes avant d'égorger le prêtre octogénaire et de blesser grièvement un paroissien de 86 ans à la gorge.   

Se "faire une église". "On savait qu'il voulait aller en Syrie", a témoigné auprès de l'AFP un voisin de la famille du terroriste. Cet homme de 60 ans ne l'avait "jamais vu à la mosquée" qu'il fréquente tous les jours. Dans son entourage, certains ne sont pas surpris : "Il m'en parlait tout le temps", a déclaré sur RTL un adolescent qui a assuré faire partie de ses connaissances. "Il m'a dit 'je vais aller faire une église', il y a deux mois. Je l'ai pas cru, il disait beaucoup de choses."

Le deuxième assaillant pas encore identifié. En revanche, on ne dispose pas à ce stade de l'enquête d'éléments concernant le deuxième assaillant. Son identification est en "toujours en cours", a annoncé mardi soir François Molins. La section antiterroriste du parquet de Paris s'est saisie de l'enquête, qui a été confiée à la Sous-direction antiterroriste (SDAT) et à la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI).