"C'était le genre insoupçonnable." L'adjectif, employé par un voisin de Farid I., qui a attaqué un groupe de policiers avec un marteau avant d'être blessé par des tirs de riposte, mardi près de la cathédrale Notre-Dame de Paris, semble coller parfaitement au profil atypique que découvrent les policiers, au fil de l'enquête. Décrit comme "discret et doux comme un agneau" par ceux qui le côtoyaient, l'Algérien de 40 ans était inconnu des services de renseignement français. Plusieurs indices découverts après l'attaque laissent pourtant présager que l'homme, placé en garde à vue mercredi, s'était radicalisé.
"Des valeurs de la démocratie". Farid I. poursuivait une thèse en sciences de l'information et de la communication à l'université de Lorraine, à Metz. "Il était plutôt occidentalisé, défendait des valeurs de la démocratie, de liberté de la presse", se souvient Arnaud Mercier, professeur en sciences de l'information, qui le connaissait depuis 2013. L'enseignant explique n'avoir "jamais" entendu l'étudiant, "calme, affable, assidu au travail et très obséquieux", dont il dirigeait la thèse, "prononcer le moindre mot de haine vis-à-vis de quiconque". Et souffle : "Le Farid que j'ai connu est aux antipodes de tout ce qu'on décrit."
Quid de sa pratique religieuse ? "Je me souviens juste qu'une fois, lors d'un déjeuner, je lui ai proposé un verre de vin, il m'a répondu 'je ne bois pas d'alcool'", répond Arnaud Mercier, convaincu que le quadragénaire ne faisait pas le ramadan. Titulaire d'une carte de séjour, l'assaillant effectuait en outre des traductions du suédois vers l'arabe, toujours selon le professeur. Avant de rejoindre Metz, il avait en effet obtenu un diplôme de journalisme à l'université d'Uppsala, au nord de Stockholm. D'après le tabloïd suédois Expressen, Farid I. avait été marié à une Suédoise, dont il s'était séparé en 2005, et avait quitté le pays en 2013. Une fiche son nom sur le site professionnel Linkedin fait également état d'une fonction de directeur d'un journal local à Béjaïa, en Kabylie, et d'une collaboration avec le quotidien algérien El Watan, connu pour sa ligne radicalement anti-islamiste.
"Un style de professeur des écoles". Le dernier contact entre Farid I. et Arnaud Mercier remonte à juin 2016. "Je lui avais renvoyé un mail en novembre pour le relancer, il n'a pas répondu, ce qui n'était pas dans ses habitudes", précise le professeur. Est-ce à ce moment que l'étudiant a basculé dans la radicalisation ? Pas suffisamment en tout cas pour éveiller les soupçons dans la résidence étudiante où il résidait à Cergy, dans le Val-d'Oise et où la plupart des locataires ne le connaissaient pas. Un seul se souvient d'homme "très discret", qui "habitait là depuis un an et demi ou deux ans" et "n'était pas du tout un islamiste avec une grande barbe, plutôt le genre pantalon en toile et veste, un style de professeur des écoles."
En se précipitant sur les policiers, mardi, Farid I., armé d'un marteau et de deux couteaux dans son sac à dos, a pourtant dit "agir pour la Syrie", se revendiquant comme "un soldat du califat". "Dès les premiers instants de son attaque, les mots qu'il a prononcés ont permis de classer cet attentat parmi les attentats terroristes", a affirmé le porte-parole du gouvernement, Christophe Castaner, mercredi. Une vidéo d'allégeance au groupe djihadiste Etat islamique a par ailleurs été retrouvée dans l'appartement qu'il louait. "Toutes les indications confirment la thèse d'un acte isolé", a encore assuré le porte-parole. Avant d'avouer : "on voit bien que lorsqu'il s'agit d'un acte de ce type-là, il est très difficile à anticiper."