Cinq jours après l'attentat de Conflans-Sainte-Honorine, lors duquel Samuel Paty, un professeur d'histoire-géographie, a été décapité, l'enquête se poursuit. Mercredi, le procureur de la République antiterroriste Jean-François Ricard a tenu une conférence de presse pour faire un point sur la progression des investigations.
Deux collégiens déférés devant la justice
L'information judiciaire a été ouverte mercredi pour "complicité d'assassinat" et de "tentative d'assassinats" sur les forces de l'ordre, "en relation avec une entreprise terroriste", ainsi que pour "association de malfaiteurs terroriste criminelle", a précisé le procureur Ricard. L'ouverture d'une enquête pour "complicité" signifie que le Parquet national antiterroriste (Pnat) estime que certains suspects avaient une connaissance précise de la finalité du projet terroriste du tueur.
L'enquête a été confiée à un juge d'instruction, et vise notamment un père d'élève, Brahim C., et le militant islamiste radical Abdelhakim Sefrioui, a indiqué le procureur. Parmi les sept personnes qui ont été déférées devant la justice se trouvent également deux collégiens de 14 et 15 ans, soupçonnés d'avoir désigné l'enseignant à l'assaillant Abdoullakh Anzorov, en échange d'une somme d'argent de 300 à 350 euros. D'après le procureur de la République antiterroriste Jean-François Ricard, ils ont attendu pendant plusieurs heures la sortie des cours en compagnie du terroriste, à l'abri des caméras de vidéosurveillance.
"Ces derniers auraient déclaré avoir l’intention de suivre le professeur, de l’obliger à demander pardon pour la caricature du prophète, de l’humilier, de le frapper. Peu avant 17h, plusieurs adolescents en lien avec les premiers ont désigné au terroriste Samuel Paty, au moment où il sortait du collège", précise le procureur.
Trois proches du terroriste mis en cause
Trois proches du terroriste sont en cours de présentation devant le magistrat instructeur. Le premier, Azim E., 19 ans, "ami de longue date" du terroriste dont "il avait constaté la radicalisation depuis plusieurs mois", est soupçonné "de l'avoir accompagné la veille des faits dans une coutellerie à Rouen" et d'avoir fait des démarches pour se procurer d'autres armes.
Naïm B., 18 ans, est lui accusé d'avoir "convoyé" Abdoullakh Anzorov à la coutellerie, puis de "l'avoir déposé devant le collège peu avant 14h" le jour des faits. "Les deux hommes contestent à ce stade avoir eu connaissance des projets mortifères de leur ami", a rapporté Jean-François Ricard. Le dernier suspect, Youssouf C., est déféré "du fait de contacts très rapprochés et du partage manifeste de l'idéologie radicale" d'Azorov.
Le professeur "a été nommément désigné comme une cible sur les réseaux sociaux"
Le procureur a également précisé qu'il y avait un "lien de causalité directe" entre la campagne sur internet ayant visé Samuel Paty après qu'il ait montré à ses élèves une caricature de Mahomet et l'attentat.
"Il est aujourd'hui clair que le professeur a été nommément désigné comme une cible sur les réseaux sociaux" par le parent d'élève Brahim C. et Abdelhakim Sefrioui "au moyen de manœuvres et d'une réinterprétation des faits", a-t-il résumé. "La polémique enclenchée par Brahim C. reposait sur des faits factuellement inexacts."
Pendant plusieurs jours avant l’attaque le terroriste et le père de famille se sont écrits, se sont appelés, en garde à vue l’homme dit ne pas s’en souvenir spécifiquement parmi la multitude de messages de soutien reçus après sa vidéo.
"Un contexte d'appels aux meurtres"
Enfin, cet assassinat s'inscrit dans un "contexte d'appels aux meurtres" lancés depuis la republication des caricatures de Mahomet par Charlie Hebdo début septembre avant l'ouverture du procès des attentats de janvier 2015 à Paris.
Jean-François Ricard a notamment évoqué l'attaque au hachoir perpétrée le 25 septembre devant les anciens locaux de Charlie Hebdo et "trois communications" d'Al-Qaïda et de sa branche yéménite qui appelaient au "meurtre" de ceux qui avaient été à l'origine de la rediffusion de ces dessins.