Apporter des réponses aux proches des victimes, mais aussi rassurer un pays à deux jours du premier tour de son élection présidentielle. Tels sont les enjeux de l'enquête menée vendredi, au lendemain de l'attaque d'un car de policiers sur les Champs-Elysées, revendiquée par l'Etat islamique (EI) et qui a fait un mort et deux blessés. Les investigations ont déjà permis de préciser le parcours de Karim C., abattu par des tirs de riposte, et la piste d'un ou plusieurs complices belges semble petit à petit s'éloigner. Europe1.fr fait le point sur les avancées de l'enquête.
- Que s'est-il passé jeudi soir ?
Un peu avant 21 heures, Karim C. est arrivé avenue des Champs-Elysées en voiture, au niveau du croisement avec la rue de Berri. Il s'est garé, puis a redémarré jusqu'à arriver à hauteur d'un car de police stationné, chargé de la surveillance de l'office du tourisme de Turquie. Sur les deux sièges avant, Xavier Jugelé, fonctionnaire de police de 37 ans, et l'un de ses collègues, prenaient une pause repas. Armé d'une kalachnikov, l'assaillant a tiré sur le véhicule, tuant le premier policier de deux balles dans la tête et blessant grièvement le second, âgé de 34 ans. D'autres agents en patrouille sur l'avenue ont riposté, abattant Karim C. après qu'il a légèrement blessé deux autres personnes, un policier et une touriste allemande.
Dans le véhicule du suspect, les forces de l'ordre ont découvert un fusil à pompe, deux gros couteaux et un sécateur.
- Que sait-on de l'assaillant ?
Karim C., 39 ans, était connu des services de police et de la justice. Au début de l'année, il avait confié à des proches son intention de se procurer des armes afin de s'en prendre à des policiers. Le 23 février dernier, il avait été arrêté pour ce motif et son domicile avait été perquisitionné. Les enquêteurs y avaient découvert des couteaux de chasse, des masques, des serflex - des colliers de serrage - et une caméra gopro. Mais aucune trace de consultation de site djihadistes ou de communications suspectes, ni dans son ordinateur, ni dans son téléphone. Juste les traces d'un voyage en Algérie, du 15 janvier au 14 février, "pour se marier", d'après Karim C.
Des éléments "pas suffisants pour caractériser les menaces", selon le procureur de la République de Paris, François Molins. Mais assez pour ouvrir une enquête antiterroriste, au vu des antécédents du suspect. En 2001, Karim C. avait en effet blessé grièvement par balles un élève gardien de la paix et son frère, après une course-poursuite en Seine-et-Marne. En garde à vue, il avait de nouveau blessé un policier après lui avoir volé son arme. Condamné à quinze ans de prison, ressorti en 2013 puis condamné à nouveau pour vol, il était libre depuis le mois d'octobre 2015 et était suivi par un juge d'application des peines. Ce dernier l'avait vu au mois d'avril, sans juger qu'il était nécessaire de révoquer sa libération conditionnelle.
- Quelles étaient ses motivations ?
Si sa volonté de tuer des policiers était connue des services de renseignement, Karim C. n'était pas considéré comme radicalisé. "Il n'était pas fiché S et n'avait pas présenté de signes de radicalisation ou de prosélytisme pendant ses années de détention", a indiqué François Molins, vendredi. Pourtant, près de son corps., les enquêteurs ont découvert un papier portant un message manuscrit qui prenait la défense de l'organisation Etat islamique. Dans sa voiture, se trouvait aussi un Coran et, glissée entre les deux sièges, une liste d'adresses éparpillée sur plusieurs morceaux de papiers : celle du commissariat de Lagny, en Seine-et-Marne, celle de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) et celles de différentes armureries.
- Avait-il des complices ?
C'est la question que se posaient les enquêteurs, vendredi matin. Dans son communiqué de revendication, l'EI évoque en effet un attentat commis par "Abu Yussef le Belge", l'un des "combattants" de l'organisation terroriste. Or, Karim C. est de nationalité française. Un doute un temps renforcé par une autre information : jeudi, la Belgique avait transmis un avis de recherche aux autorités françaises après la découverte, au domicile d'un suspect suivi dans une enquête belge, de cagoules et d'un billet de train vers la France.
Mais l'hypothèse d'une complicité belge a rapidement été écartée. Dès jeudi soir, l'homme recherché s'est en effet présenté au commissariat d'Anvers, indiquant avoir passé sa journée sur son lieu de travail, dans une station-service du port de la ville. Selon les informations d'Europe 1, les enquêteurs belges le surveillaient en fait dans une affaire de drogue, sans lien avec une entreprise terroriste.
Cette piste est donc écartée. Cela signifie-t-il que Karim C. a agi seul ? Pas forcément. Trois de ses proches se trouvent toujours en garde à vue, vendredi soir. Selon les informations d'Europe 1 il s'agit de son père, de son beau-frère et de la compagne de ce dernier.