Il a fallu presque un mois, mais la "loi du silence" a fini par vaciller. Pour la première fois, l'un des accusés au procès du meurtre en 2010 d'Aurélie Fouquet a craqué jeudi et en a désigné un autre, jugé en son absence et peut-être mort.
"En présence du tireur". Réclamant la parole depuis le box après un témoignage douloureux de la mère de la policière municipale, tuée le 20 mars 2010 à l'âge de 26 ans, Jean-Claude Bisel, très ému, a déclaré : "je suis sans mots devant le courage et la dignité de Mme Fouquet". Et ajouté que la nuit suivant le drame, "je pense que j'étais en présence du tireur ou d'un des tireurs".
"J'ai tiré sur les condés". Jean-Claude Bisel, qui comparaît pour avoir veillé pendant toute une nuit l'un des hommes impliqués dans la fusillade mortelle de Villiers-sur-Marne, a précisé que cet individu lui avait été désigné sous le nom de "Tony ou Anthony". Cet "Anthony", blessé et allongé dans une camionnette, aurait dit, selon Jean-Claude Bisel : "Ça a merdé" puis "j'ai tiré sur les condés". "Anthony" est le surnom d'Olivier Tracoulat, jugé en son absence à Paris et porté disparu depuis les faits. Blessé le 20 mars 2010, il est peut-être mort. Jean-Claude Bisel est le premier depuis le début du procès, le 1er mars, à faire vaciller la "loi du silence" qui gouverne les accusés.
Neuf hommes sur le banc des accusés. Le procès, qui a commencé le 1er mars, n'avait jusqu'ici pas livré d'information décisive sur les responsabilités dans le drame du 20 mars 2010, en particulier sur l'identité du ou des tireurs qui ont mitraillé la voiture dans laquelle circulait Aurélie Fouquet. Neuf hommes dont Redoine Faïd, une figure du grand banditisme, sont jugés pour avoir participé de près ou de loin à un projet de braquage avorté, qui avait débouché sur la fusillade fatale à la jeune policière. Le plan a capoté le 20 mai 2010 au matin lorsque des policiers tentent de contrôler une camionnette portant deux impacts suspects. S'en est suivie une course-poursuite folle sur l'autoroute entre les forces de l'ordre et un commando de braqueurs armés jusqu'aux dents, avant l'épilogue mortel.
Un procès sans fin. La déclaration de Jean-Claude Bisel charge un absent, sans doute un mort, et ne répond pas à toutes les questions. Mais elle est un rebondissement dans un procès qui jusque là donnait l'impression de stagner, entre analyses d'images de vidéo-surveillance, alibis plus ou moins sophistiqués et frictions à l'audience. Le petit homme à la mine toujours fermée et au parler rude a un parcours particulièrement chaotique. Condamné dans le passé avec Redoine Faïd pour des braquages, il assure qu'il s'était rangé, mais reconnaît s'être laissé convaincre de jouer les infirmiers le soir du 20 mai 2010. S'il comparaît détenu, ce n'est pas pour ce rôle secondaire, mais pour avoir tué en mars 2015 son ex-gendre, à l'arme automatique.