Emmanuel Macron est attendu mercredi en Corse pour une visite de deux jours durant laquelle il pourrait faire des annonces sur l'autonomie de l'île susceptibles d'être inscrites dans la Constitution. Le président commencera sa visite par un "dîner républicain" avec des élus locaux, à Ajaccio, avant un discours très attendu jeudi matin à l'Assemblée de Corse.
Outre ce volet politique, il rendra hommage aux Corses résistants à l'occasion du 80e anniversaire de la libération de l'île en 1943. Après la mort en mars 2022 du militant indépendantiste Yvan Colonna, agressé à la prison d'Arles où il purgeait une peine de perpétuité pour l'assassinat du préfet Erignac, et les manifestations violentes qui avaient suivi dans l'île, le gouvernement avait ouvert des discussions pouvant "aller jusqu'à l'autonomie".
Le discours présidentiel va donc ponctuer plusieurs mois d'échanges entre élus corses et représentants de l'Etat, "à tous les étages", indique la présidence. Les nationalistes ont adopté le 5 juillet dernier un projet d'autonomie plaidant pour un pouvoir législatif dans tous les domaines sauf le régalien, pouvoir qui serait confié à l'Assemblée de Corse, où ils occupent les trois-quarts des sièges.
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Ils veulent également un statut de résident corse, la co-officialité de la langue corse et l'inscription de la notion de peuple corse dans la Constitution. Un second texte de l'opposition minoritaire de droite, qui appelle, lui, à un simple "pouvoir d'adaptation" des lois françaises aux spécificités corses, a également été transmis au président.
Fer de lance pour les mouvements régionalistes
Emmanuel Macron pourrait également annoncer une consultation des habitants dans un contexte ou le Front de libération nationale corse (FLNC) vient de revendiquer une série d'attentat. Aucun accord entre la Corse et la France ne pourra être qualifié d'historique tant qu'il n'entérinera pas la reconnaissance du droit du peuple corse sur sa terre comme seule communauté de droit. Dans un communiqué adressé début aout à Corse-Matin, le FLNC appelle à la résistance.
D'après Thierry Dominici, maître de conférence à l'université de Bordeaux et spécialiste du nationalisme Corse, le FLNC n'a pas la capacité de torpiller le processus entamé : "Il serait quand même schizophrénique de voir un FLNC reprendre les armes. Alors qu'il a obtenu une telle avancée en déposant les armes, la Corse sert de fer de lance pour l'ensemble des mouvements régionalistes européens. Ça serait se tirer une balle dans le pied".
Mais le mouvement clandestin reste un outil de la lutte indépendantiste : "Au sein de ces mouvements, il y a beaucoup de militants, d'électrons libres, nous ne sommes pas à l'abri de quelques attentats ou violences politiques", poursuit l'universitaire. Depuis un an, la justice enquête sur une soixantaine d'attentats, des actions attribuées notamment au FLNC et à un groupe de jeune clandestins.
Lignes rouges
Dans une interview lundi à Corse-Matin, Bruno Retailleau, président du groupe Les Républicains au Sénat, a assuré que les demandes des nationalistes comportaient des "lignes rouges" infranchissables et "qu'un pouvoir législatif plein et entier" irait "trop loin".
Or, le chef de l'Etat aura besoin d'une majorité des trois-cinquièmes, et donc des Républicains, au Congrès (Assemblée nationale et Sénat réunis) pour réformer la Constitution. Il réclame donc au préalable un accord politique dans l’île, entre les différents groupes nationalistes et l'opposition de droite.
"Tout n'est pas encore stabilisé", mais les "positions évoluent dans le sens d'un rapprochement acceptable" entre "les interlocuteurs corses", a espéré mardi l'Elysée, ouvrant la voie à de possibles annonces présidentielles jeudi.
Si un accord est trouvé, "le président de la République dira certainement qu'il est prêt à envisager une évolution institutionnelle conforme au cadre républicain", relève un conseiller d'Emmanuel Macron. La droite corse relativise toutefois l'optimisme élyséen. "Il n’y aura pas d’accord" entre élus insulaires, "sauf s’il y a des accords qui m’échappent", a déclaré à l'AFP Jean-Martin Mondoloni, président du groupe de droite d'opposition, en référence à une possible entente exclusivement entre groupes nationalistes qui fâcherait à coup sûr le Sénat de droite.
"Nous demandons à 'adapter' la loi, les nationalistes veulent 'adopter' la loi. Les points de vues sont tellement distants qu’on ne peut pas nous faire injonction de nous entendre avant que le président n’arrive", a-t-il insisté. Les lignes rouges fixées par le président il y a un an restent en outre inchangées: maintien de la Corse dans la République et refus de créer deux catégories de citoyens, notamment pour la priorité à l'emploi.
Tirailleur marocain
Si la co-officialité de la langue corse n'est pas recevable, cela "n'exclut pas qu'on fasse un effort en matière de bilinguisme", concède en revanche l'Elysée, sans plus de précisions. Lors d'une cérémonie jeudi à Ajaccio, Emmanuel Macron saluera par ailleurs la mémoire de Fred Scamaroni, le "Jean Moulin" corse, et celle de Danielle Casanova, résistante communiste corse morte en déportation à Auschwitz.
Ils se rendra ensuite à Bastia pour une prise d'armes en présence d'unités militaires dont l'histoire est liée à la libération de la Corse. Il décorera aussi le dernier tirailleur marocain encore en vie, âgé de 104 ans, nombre de Marocains des Forces libres, réputés pour leur "capacité à combattre en montagne", ayant été envoyés sur l'île de Beauté.