Des milliers d'opposants à l'autoroute A69 Toulouse-Castres manifestent samedi à Saïx, dans le Tarn, dénonçant un projet qu'ils jugent contradictoire avec l'urgence climatique et réclamant "moins de voitures, moins de goudron", lors d'un week-end de mobilisation festif, mais sous haute surveillance. Dansant sous la pluie au rythme de percussions, un cortège de quelque 4.800 personnes, selon les organisateurs, s'est ébranlé en début d'après-midi sur le futur tracé de l'autoroute. Certains manifestants brandissaient des banderoles: "Moins d'énergie, moins de voitures, moins de goudron", "A69, une autoroute en cul-de-sac qui se finira en tête à queue" ou "On ne dissout pas la terre qui se soulève".
Plus tôt, lors d'une conférence de presse, le collectif La voie est libre, Extinction Rebellion, la Confédération paysanne et les Soulèvements de la Terre (SLT), organisateurs de la manifestation, ont demandé "l'arrêt immédiat" du chantier. Leurs représentants ont rappelé leur proposition d'aménagement de la nationale existante et dénoncé la perte de terres agricoles ou de biodiversité qu'entraînerait la construction de cette portion d'autoroute de 53 km. Ils ont aussi déploré le coût du trajet Toulouse-Castres, qui pourrait atteindre 17 euros aller-retour, "une injustice sociale organisée", selon une représentante des SLT.
Une manifestation "bon enfant"
"Si on veut être cohérent, ce projet doit être abandonné", a pour sa part déclaré à l'AFP le député LFI Manuel Bompard, présent samedi à Saïx. "Nous, on est là pour la préservation des terres agricoles et aussi pour la préservation de la biodiversité", précise Monique, une manifestante sexagénaire qui préfère taire son nom. Moins d'un mois après les affrontements entre gendarmes et manifestants contre les "mégabassines" à Sainte-Soline (Deux-Sèvres), les autorités suivent de près cette mobilisation. Le préfet du Tarn, François-Xavier Lauch, a précisé vendredi que les 800 gendarmes et policiers mobilisés resteront en retrait si la manifestation est "pacifique".
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Jusque-là, la contestation s'était centrée près de Vendine, en Haute-Garonne, à la limite du Tarn, où des opposants s'étaient installés dans des platanes pour en éviter l'abattage. Cette fois, le rassemblement se tient à Saïx, 37 km plus loin, où des activités sont prévues tout le week-end : débats, concerts et même une course de caisses à savon ou "bolides" allant "le plus lentement possible". Vendredi, des centaines de militants (400, selon le préfet) venus de diverses régions proches, ont monté deux chapiteaux et des tentes, installé des tables, un bar et une cantine sur une surface équivalant à une dizaine de terrains de foot.
Les élus réagissent
Des élus opposés à l'A69 avaient encore dénoncé vendredi un projet en "totale contradiction avec l'urgence climatique". Samedi le député EELV Julien Bayou a qualifié d'"anachronique" ce projet d'"autoroute la plus chère de France", sur Franceinfo. Sandrine Rousseau, autre députée EELV, a dit espérer "que le préfet a pris les enseignements de ce qui s'est passé à Sainte-Soline", en dénonçant sur Europe 1 "un projet qui n'a aucun sens, qui est daté des années 1980-1990".
Mais d'autres élus du Tarn soutiennent l'A69, qui réduirait d'une vingtaine de minutes le trajet Castres-Toulouse en 2025, d'une durée d'un peu plus d'une heure aujourd'hui. Atosca, concessionnaire privé de l'A69, le juge "exemplaire" pour l'environnement ou l'emploi. Concernant les terres agricoles, l'emprise prévue a été réduite de 380 à 300 hectares, selon son directeur général Martial Gerlinger. Le ministère des Transports a précisé vendredi que Clément Beaune avait demandé dès janvier une revue des sept projets autoroutiers en cours, "au regard des enjeux actuels : lutte contre l'artificialisation des sols, réduction des émissions de CO2, mais aussi désenclavement des territoires".
"On peut en débattre, mais pas en découdre"
"Le projet d'A69 ne fait pas exception à cette démarche de réexamen", ajoute le ministère, en nuançant du fait de son état d'avancement : "Les travaux ont débuté, et un contrat engageant l'Etat a été signé avec le concessionnaire". Le ministre de l'Intérieur, Gérald Darmanin, avait averti vendredi qu'"on peut en débattre, mais pas en découdre", ajoutant toutefois qu'il n'y a "pas de renseignement qui démontre que dans le Tarn les gens aient une envie absolue de violence". Des déclarations en deçà de ses propos du 5 avril, classant l'A69 parmi 42 projets "susceptibles de faire naître des contestations extrêmement violentes".
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Des opposants l'avaient accusé de "mettre le feu aux poudres", dans une région où le souvenir de Rémi Fraisse reste présent. Le 26 octobre 2014, ce militant écologiste de 21 ans avait été retrouvé mort sur le chantier du barrage de Sivens (Tarn), à une soixantaine de kilomètres de Saïx, après des affrontements d'opposants avec les forces de l'ordre. Cinq mois plus tard, le projet était abandonné au profit d'une retenue d'eau réduite de moitié, et le gouvernement faisait évacuer le site occupé pendant seize mois par des "zadistes".