Piétonnisation, circulation alternée, réduction de la vitesse, journée sans voitures... Les initiatives pour faire baisser la pollution dans les grandes villes sont légions. Pourtant les effets de ces mesures ne semblent pas séduire tous les habitants ou les usagers des grandes villes qui les mettent en place. Repousser les voitures hors des centres-villes, est-ce vraiment la solution ? Europe 1 a mené l'enquête.
À Paris, les débats se cristallisent autour des berges de Seine. Ces dernières semaines, c'est Paris qui est au centre de la tourmente. La maire de la ville, Anne Hidalgo, tente de rendre de plus en plus de berges de la Seine entièrement piétonnes. Mais cette mesure ne plaît pas à tous les habitants et usagers. La semaine dernière, c'est le préfet de Paris qui a tranché en acceptant d'expérimenter la fermeture de certaines voies pour six mois. Dans quel but ? Tester les conséquences sur la fluidité de la circulation, la pollution atmosphérique ou encore le bruit.
Car d'après la mairie, fermer les berges de Seine réduirait de 23 à 30% la pollution atmosphérique. Des chiffres qui s'appuient sur une première phase de test menée en 2013 entre la Tour Eiffel et le musée d'Orsay. Les émissions de dioxyde d'azote et de particules fines y ont baissé de 12% sans pour autant que l'on remarque que cette pollution se soit déplacée ailleurs sur le périphérique ou en banlieue parisienne.
Une nécessité pour la santé des Franciliens. Des initiatives soutenues par plusieurs pneumologues parisiens qui lancent un cri d'alarme face à l'augmentation du nombre de maladies liées à la pollution. "De façon claire, il y a une répercussion à la fois sur des venues aux urgences, les maladies cardio-vasculaires, infarctus voire des maladies neurologiques, les accidents vasculaires-cérébraux", affirme Jocelyne Just, pneumo-pédiatre et chef du service d'allergologie de l'hôpital Trousseau (à Paris).
Mais d'après elle, ces mesures ne sont pas encore suffisantes. "Il y a 6.600 décès qui seraient évitables à Paris si on diminuait de façon claire le niveau de pollution. On demande de réduire les parcs automobiles, de favoriser la piétonnisation à Paris. On commence par les voies sur berges, mais il faudra faire d’autres initiatives pour sauver des vies."
En attendant la #JournéeSansVoiture du 25/09, venez joyeusement investir les #ChampsElyséesPiétons ce dimanche ! pic.twitter.com/lyYZsPCDBv
— Paris sans voiture (@parisansvoiture) 2 septembre 2016
Montpellier, plus grande zone piétonne d'Europe. Et les autres grandes villes de France comme Pau, Bordeaux ou encore le centre-ville de Nantes s'y mettent aussi. Mais Montpellier n'a pas attendu la croisade d'Anne Hidalgo contre la pollution pour repousser les voitures hors de son centre. Dès les années 1960, elle a commencé à les chasser pour devenir la plus vaste zone piétonnière d'Europe. Son maire, Philippe Saurel, vient d'ailleurs d'investir 40 millions d'euros pour l'étendre à un quartier supplémentaire, là où il y a peu, 20.000 voitures passaient encore chaque jour. Un véritable gain pour "la qualité de vie ou encore la convivialité", affirme-t-il.
Une lutte contre la pollution qui demande des investissements. Mais ces mesures de fermeture aux voitures doivent s'accompagner de sacrifices. "La piétonnisation ne peut se faire à Montpellier que parce qu'il y a un réseau de tramway extrêmement performant qui entoure le centre-ville de deux lignes circulaires, qui est unique dans le pays." Les travaux pour ces infrastructures font de Montpellier la 3e ville de France pour les embouteillages. Le constat est le même à Paris. C'est l'une des raisons pour lesquelles le projet de piétonisation d'Anne Hidalgo a été retoqué en août dernier.
Le Bd du Jeu de Paume, skatepark naturel pour les riders et entièrement piéton le 30/06. #Montpellier@saurel2014pic.twitter.com/KK9S8jCFC3
— Pierre André (@Pierre_Andre34) 27 juin 2016
Le revers de la médaille : des embouteillages.Des bouchons qui se reporteraient également en banlieue, comme le déplore le maire de Saint-Cloud, dans les Hauts-de-Seine. "Ça fait plus de 100 ans que la capitale renvoie tout ce qu'elle ne veut pas dans la banlieue. On a eu les cimetières, les usines d'incinération, les stations d'assainissement... Maintenant la maire de Paris a décidé que les voitures c'était pas bien du tout. Du coup elle renvoie ça à la banlieue. Mais ça n'est pas acceptable et ça pourrit la vie quotidienne des gens."
Une critique largement partagée par les maires de banlieue parisienne, essentiellement des élus de droite, mais admise également par les défenseurs de la piétonnisation car les réseaux parisiens sont déjà saturés. Le nombre de bus a déjà doublé et les alternatives comme les parkings relais ou d'autres réseaux de transport en commun sont difficiles à envisager. Si les effets de ces mesures contre la pollution tendent à se vérifier, le confort quotidien des usagers risque plutôt d'en pâtir.