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Charles Luylier (sur place), avec AFP / Crédits photo : ROMAIN PERROCHEAU / AFP , modifié à
Malgré l'interdiction des autorités, plusieurs milliers d'opposants aux réserves d'irrigation, rassemblés depuis mardi dans les Deux-Sèvres, manifestent vendredi dans la Vienne. Plus de 3.000 gendarmes ont été mobilisés pour "protéger" exploitations et installations agricoles.
L'ESSENTIEL

Quinze mois après Sainte-Soline, les autorités s'attendaient à une nouvelle "grande violence" mais les milliers d'opposants aux "bassines" les ont fait mentir en bravant une nouvelle interdiction de manifester, sans incident... jusqu'à ce qu'un incendie déclenché par des grenades lacrymogènes ne leur fasse rebrousser chemin. Plusieurs milliers de personnes - 3.800 selon la police, 6.500 selon les organisateurs - ont convergé vendredi dans la Vienne pour une "grande marche" destinée à "arracher un moratoire" sur la construction des retenues d'eau.

Les principales informations :

  • De nouvelles manifestations ont eu lieu ce vendredi pour la "défense de l'eau"
  • Les autorités ont interdit la manifestation à Saint-Sauvant, mais 3.000 personnes ont bravé cette interdiction
  • Entre 5.000 et 7.000 personnes, venues de France et de l'étranger, ont rejoint depuis mardi le "Village de l'eau"
  • Plus de 3.000 gendarmes ont été mobilisés pour "protéger" exploitations et installations agricoles
  • La manifestation interdite avorte après une journée calme

Plus de 3.000 gendarmes mobilisés

Face à eux, plus de 3.000 gendarmes avaient été mobilisés et le resteront samedi tandis qu'une seconde manifestation, également interdite, est prévue sur le port de La Rochelle, dont un blocage symbolique est annoncé. Le quadrillage serré de la région a conduit les opposants aux "bassines" à changer leur objectif de la journée. Le cortège, qui devait initialement rejoindre la commune de Saint-Sauvant, où une "bassine" doit être construite à l'automne, s'est réuni finalement dans l'agglomération de Poitiers avant de marcher en direction d'un "site emblématique de l'agro-industrie".

 

"C'est ça qu'on veut démanteler", a annoncé une militante au micro après un pique-nique festif à Migné-Auxances, répétant que le mouvement "ne cible pas les agriculteurs" eux-mêmes. Leur objectif était d'aller déposer une pancarte sur l'usine de semences d'une filiale de coopérative agricole située à quelques kilomètres, "un geste symbolique d'appropriation des accapareurs d'eau".

Un site qualifié de "sensible" par la préfecture, car classé Seveso. Les gendarmes ont tiré des grenades lacrymogènes, après sommations, pour les disperser, leurs projectiles mettant alors le feu à un champ de paille à proximité du cortège, qui faisait alors demi-tour.

Entre 5.000 et 7.000 personnes au "Village de l'eau"

Entre 5.000 et 7.000 personnes, venues de France et de l'étranger, étaient arrivées depuis mardi au "Village de l'eau" organisé jusqu'à dimanche à Melle (Deux-Sèvres) par le collectif Bassines Non Merci (BNM), les mouvements écologistes Les Soulèvements de la Terre et Extinction Rébellion, l'union syndicale Solidaires et l'association altermondialiste Attac, avec la participation de 120 structures militantes.

Vendredi matin, les forces de l'ordre avaient déjà tenté d'empêcher leur départ en tirant de nombreuses grenades lacrymogènes, sans déclencher de heurts. "L'ambiance est festive, mesurée, avec des gens qui ont vécu Sainte-Soline et qui n'ont absolument pas l'intention de revivre la même chose. La consigne, c'est qu'on ne va pas à l'affrontement", expliquait Julien Le Guet, porte-parole de BNM.

Près de 500 "black blocs" présents dans le cortège final

En voiture, les manifestants ont ensuite fait l'objet de contrôles et de fouilles systématiques. Myriam, 30 ans, s'interrogeait "sur l'utilité de se faire confisquer des sardines de tente, des masques ffp2 pour le Covid", en dénonçant "l'absurdité de la situation". "Avoir besoin d'un bouclier, d'un casque, d'un masque à gaz pour vérifier les identités de gens paisibles...", déplorait de son côté Hélène Charnier, 70 ans, retraitée de l'Éducation nationale.

Selon les autorités, près de 500 "black blocs" étaient présents dans le cortège final. Elles avaient recensé jeudi plus d'une centaine d'individus "fichés S" au Village de l'eau à Melle. "On est vraiment sur une logique d'intimidation, de répression, de criminalisation de notre mouvement, alors qu'on se bat pour un enjeu vital qui est celui de la défense et d'un juste partage de l'eau, et qu'on souhaite juste exercer notre liberté de manifestation qui est un droit fondamental", a déploré dans la journée Johanne Rabier, du collectif BNM dans la Vienne.

 

Deux camps irréconciliables

Les réserves dites "de substitution" visent à stocker des millions de mètres cubes d'eau puisés dans les nappes phréatiques en hiver afin d'irriguer des cultures en été. Plusieurs dizaines sont en projet dans la région. Leurs partisans en font une condition de survie des exploitations face aux sécheresses récurrentes, là où leurs détracteurs dénoncent un "accaparement" de l'eau par l'agro-industrie.

Deux camps irréconciliables entre lesquels la lutte s'est intensifiée depuis deux ans, sur le terrain et devant la justice administrative qui a jugé à deux reprises que les prélèvements d'eau pour l'irrigation dans le Marais poitevin étaient "excessifs".

Le sujet divise les syndicats agricoles. La Confédération paysanne et le Modef, qui participent au Village de l'eau, dénoncent les "méga-bassines" comme une source d'inégalités dans l'accès à l'eau. La Coordination rurale, dont un appel à contre-manifester a été peu suivi, et la FNSEA/JA, premier syndicat de la profession, défendent au contraire cet outil face aux effets du changement climatique, et fustigent l'action des opposants.

Dans la journée, quelque 500 d'entre eux ont procédé au "désarmement" symbolique d'une bassine à Pamproux dans les Deux-Sèvres : à l'aide de cerfs-volants, ils y ont largué des lentilles d'eau, chargées de "boucher pompes et tuyaux" en se développant. Le parquet a ouvert une enquête pour manifestation interdite.