Des centaines d'opposants rassemblés à Tunis pour «défendre les libertés»

Le président tunisien Kaïs Saied s'était octroyé tous les pouvoirs en 2021, plongeant son pays dans une crise politique inédite. Depuis, l'étau se resserre pour ses opposants politiques. La plupart sont arrêtés et emprisonnés, provoquant des gigantesques manifestations ce 9 avril. Les Tunisiens appellent à "défendre les libertés" et dénoncent la régression de leur démocratie.
Des centaines d'opposants, majoritairement des sympathisants du Parti destourien libre (PDL) qui revendique l'héritage des ères Bourguiba et Ben Ali, se sont rassemblés mercredi 9 avril à Tunis pour "défendre les libertés" et dénoncer une régression des droits dans le pays berceau du Printemps arabe.
Des manifestations pour dénoncer les emprisonnements d'opposants
Deux manifestations distinctes étaient organisées, l'une par le PDL d'Abir Moussi, emprisonnée depuis octobre 2023, et une autre par la principale coalition d'opposants le Front de Salut national (FSN), qui compte aussi des dirigeants détenus, à l'occasion de la commémoration de la rébellion du 9 avril 1938 contre la colonisation française.
Le rassemblement du FSN a réuni à peine une centaine de personnes alors que le PDL a mobilisé entre 500 et 1.000 manifestants, selon des journalistes de l'AFP, environ 4.000 selon les organisateurs.
"Dehors la dictature", "Trop d'arrestations", scandaient des manifestants, agitant des drapeaux tunisiens. Beaucoup portaient des panneaux "Liberté pour Abir" ou la photo de la cheffe du PDL, sous le coup d'accusations graves, notamment de complot contre la sûreté de l'Etat.
Sans jamais nommer le président Kais Saied, auteur en juillet 2021 d'un coup de force lui ayant permis de s'octroyer les pleins pouvoirs, des manifestants ont dénoncé l'emprisonnement de figures de l'opposition, d'avocats, de journalistes et hommes d'affaires.
"Régression des libertés politiques et individuelles"
Hafsia Habou, tatouage au nom du héros de l'indépendance Habib Bourguiba sur le bras, brandissait une photo de l'avocate Sonia Dahmani, en détention depuis près d'un an, "qui n'a fait que donner son avis" sur l'état du pays.
"Il y a une régression des libertés politiques et individuelles", à cause du décret-loi 54 sur les fausses nouvelles promulgué en 2022 par Kais Saied, a indiqué à l'AFP Ali Bejaoui, membre du bureau politique du PDL. Il a aussi fustigé une "limitation des activités des partis", absents des médias tunisiens, et un "musèlement de la presse".
Constatant une mobilisation moins forte que d'habitude, Fakhri Belkhiria, chirurgien militant depuis 2019, évoque "la peur" suscitée par l'article 54, ainsi qu'une "certaine lassitude". "Les gens regardent leurs fins de mois plutôt que se déplacer pour une action politique", a-t-il dit, déplorant aussi un découragement des jeunes "qui ne pensent qu'à quitter le pays".
La Tunisie, endettée, connaît une croissance poussive (1,4% en 2024) et souffre d'un chômage endémique (16%) et d'une inflation très élevée (7%) qui grève le pouvoir d'achat des couches sociales moins favorisées.