Raffineries et dépôts bloqués, stations-service à sec, centrales nucléaires en grève : la contestation contre le projet de loi Travail porté par Myriam El Khomri est en train de se durcir, provoquant de sérieuses perturbations. A la veille d'une journée de grève nationale, Europe 1 fait le point sur les principales informations à retenir.
LES INFOS A RETENIR :
- Cinq raffineries sur huit sont bloquées, la France a commencé à puiser dans ses réserves stratégiques
- 19 préfectures sur 20 dans l'Ouest vont lever leurs arrêtés de restriction d'approvisionnement en carburant
- Les personnels de 16 centrales nucléaires françaises ont voté la grève pour jeudi
- Certains professionnels commencent à s'inquiéter pour leur activité
- Le président du groupe PS à l'Assemblée a envisagé une nouvelle modification du projet de loi Travail, avant d'être désavoué par le gouvernement
- Six raffineries à l'arrêt, des dépôts rouverts
Cinq des huit raffineries françaises sont désormais à l'arrêt ou au ralenti, en raison d'un mouvement de grève prévu jusqu'à vendredi. Les dépôts de carburant subissent aussi des blocages, même si les forces de l'ordre multiplient les opérations d'évacuation, comme ce fut le cas mercredi à Douchy, dans le Nord. Pour la seule journée de mercredi, les accès à onze dépôts pétroliers ont été libérés.
La contestation s'étend désormais également aux terminaux pétroliers : celui du Havre, par lequel transite 40% des importations de pétrole brut, est en grève au moins jusqu'a vendredi midi, tout comme celui de Marseille. Outre ces mouvements de grève, des manifestants ont bloqué mercredi matin le pont de Normandie, qui relie Le Havre en Seine-Maritime et Honfleur.
- Entre 20 et 30% des stations en difficultés, la France puise dans ses réserves
Selon le gouvernement, 20% des 11.500 stations-service françaises sont en pénurie totale ou partielle. Le site Mon-essence.fr, qui réalise en direct une carte des stations-essence concernées, estime de son côté que 30% d'entre elles sont en pénurie.
Depuis le début du mouvement, l'Ouest et le Nord de la France sont particulièrement impactés par les pénuries de carburant. Dans la région de Lille, certains automobilistes n'hésitent plus à se rendre en Belgique pour prendre de l'essence. La région parisienne et le Sud de la France commencent cependant aussi à rencontrer des difficultés d'approvisionnement. Imitant des préfectures du Nord, celle du Var a à son tour pris mercredi un arrêté limitant la distribution de carburant et réquisitionnant sept stations-essence pour les services prioritaires. L'ensemble des préfets du grand ouest (régions Normandie, Bretagne, Pays de la Loire et Centre) vont quant à eux lever leurs arrêtés de restriction. L'interdiction d'emporter du carburant dans des récipients (jerrycanes, bidons) est, elle, maintenue.
Du côté du gouvernement, on se veut rassurant : la France dispose de réserves stratégiques pour tenir 115 jours, a assuré mercredi le secrétaire d'Etat aux Transports. Dans la pratique, l'autonomie assurée par les stocks de carburant varierait entre 30 et 60 jours. Seule certitude, l'Union française des industries pétrolières a précisé mercredi que la France puisait dans ces réserves depuis lundi. Autre mesure rare: les transporteurs d'hydrocarbures ont été autorisés par un arrêté à déroger temporairement aux règles en matière de temps de conduite et de repos.
- La CGT veut étendre le mouvement aux centrales nucléaires
A deux semaines d'un Euro de football qui doit servir de vitrine à la France, la CGT a décidé de lancer toutes ses forces dans la bataille. Les personnels d'au moins 16 des 19 centrales nucléaires françaises ont voté la grève pour jeudi, a affirmé un porte-parole de la CGT Energie. Pour autant, "cela ne veut pas dire qu'il y aura des baisses de charge", a-t-il ajouté. Un porte-parole de Force ouvrière a, lui indiqué, ne pas avoir de décompte.
Outre le mouvement dans les centrales nucléaires, les personnels d'au moins trois centrales thermiques classiques - Cordemais (Loire-Atlantique), Gardanne (Bouches-du-Rhône) et Porcheville (Yvelines) - ont également décidé de cesser le travail.
A la veille d'une journée de mobilisation nationale, d'autres secteurs sont désormais aussi ciblés : des protestataires ont tenté de bloquer la plateforme Amazon à Montélimar, celle du distributeur Atac à Cournon, ou encore l'accès de la zone industrielle des Marais, à Coignières.
- Loueurs de voiture, taxis, BTP : les professionnels impactés
Dans certains secteurs de l'économie, l'impact est déjà réel. Les loueurs de voitures prennent le sujet très au sérieux. Certains d'entre eux, ont déjà activé une cellule de crise. Contactée par Europe 1, une agence de location en Normandie explique, par exemple, qu'il n'est plus possible de louer une voiture avec plein d'essence. Des problèmes commencent aussi à se poser dans le bâtiment. Alors que le secteur commençait à redémarrer, la fédération du secteur affirme à Europe 1 que les chantiers risquent d'être tous stoppés à la fin de la semaine en raison de l'absence d'approvisionnement en matériel.
Enfin, du côté des taxis, qui font pourtant partie des professions prioritaires, "on regarde constamment, on est au taquet. "Ça fait trois jours que je ne travaille pas bien parce que j'ai peur de tomber en panne. Dès qu'un client me demande de sortir de Paris, je commence à regarder mon compteur", explique Samy, un chauffeur de taxi rencontré par Europe 1.
- Le gouvernement pourrait-il revoir sa copie pour calmer la grogne ?
Une grève "illégitime", menée par "une minorité", etc. : depuis le début de la semaine, le gouvernement multiplie les critiques acerbes sur la CGT, qui orchestre le mouvement de grève, parfois en association avec Force Ouvrière. Le vent a néanmoins semblé avoir tourné mercredi en fin de matinée : le président du groupe PS à l'Assemblée s'est déclaré ouvert à une modification de l'article 2 du projet de loi Travail, qui pose le plus de problèmes aux syndicats. Cette manoeuvre pourrait convaincre notamment FO de ne plus faire grève et isoler la CGT.
Mais un tel scénario signifierait également que le gouvernement serait prêt à réécrire un texte qui a déjà été revu à de nombreuses reprises et dont il ne resterait alors plus grand chose. "Il n'est pas question de revenir sur les principes de l'article 2" du projet de loi Travail, a donc répliqué mercredi le porte-parole du gouvernement. Et ce dernier d'ajouter que le président de la République aurait promis que "tout serait mis en oeuvre pour assurer l'approvisionnement aux Français et à l'économie", d'une manière "déterminée et sereine". Ce qu'a confirmé le Premier ministre en début d'après-midi : "la CGT ne fait pas la loi dans le pays".