Le tribunal de grande instance de Lyon a renvoyé lundi le référé de deux victimes du père Preynat - l'ex-prêtre qui sera jugé à partir du 13 janvier pour agressions sexuelles à Lyon - qui s'opposent à la publication de leurs témoignages dans un recueil à paraître trois jours avant le procès. L'un des deux plaignants s'étant associé tardivement à la procédure, son conseil a demandé lundi un délai afin de pouvoir préparer son dossier qui sera joint au premier.
"Mon témoignage a été utilisé sans même qu'on m'en ait informé, ni demandé l'autorisation"
L'ouvrage en question, intitulé Abusés, doit paraître le 10 janvier. Il rassemble une quinzaine de témoignages de victimes de Bernard Preynat, désignées seulement par leur prénom, et recueillis sur le site de l'association La Parole Libérée. Mais certaines victimes, comme le premier plaignant Pierre-Emmanuel Germain Thill, n'ont pas été prévenues et demandent le retrait de leur récit.
"Au tout début de la création de La parole libérée en 2016, comme les victimes étaient dans une espèce d'euphorie de pouvoir se retrouver, de mener une action, d'être enfin comprises, d'être enfin crues, on avait, pour beaucoup d'entre nous, envoyé notre témoignage en toute bienveillance pour que La parole libérée puisse le mettre sur son site Internet", raconte-t-il au micro d'Europe 1.
Les plaignants reprochent à l'association et à l'éditeur d'avoir fait se livre sans les consulter : "Mon témoignage a été utilisé sans même qu'on m'en ait informé, ni demandé l'autorisation alors qu'il est validé depuis le mois d'avril, que le livre est imprimé, et qu'on a même un lien de relais vers une prévente à la FNAC ! C'est proprement scandaleux ! Je demande le retrait de mon témoignage de ce livre", a réagi Pierre-Emmanuel Germain Thill.
"Ce témoignage a été utilisé à des fins commerciales"
En avril, la maison d'édition Temps Présent a demandé à François Devaux, un des cofondateurs de l'association, l'autorisation de publier ces témoignages dans un recueil, ce que François Devaux a accepté, sans consulter les victimes. Ce dernier reconnaît "une maladresse" : il pensait que l'autorisation de publication sur le site vaudrait aussi pour le livre.
Pierre-Emmanuel Germain Thill ne décolère pas : "Ce témoignage a été utilisé à des fins commerciales dans un ouvrage qui en plus va sortir trois jours avant le procès de mon agresseur". De son côté, François Devaux se défend d'avoir voulu se faire de l'argent sur le dos des victimes. Les droits d'auteur - environ 700 euros au total sur les 1.000 exemplaires tirés, selon l'estimation de l'éditeur - seront reversés à l'association. "Pouvoir imaginer que j'ai une ambition mercantile avec ce projet, ça me met hors de moi", s'est indigné François Devaux.