De l'échec à la gloire. Le chef Pierre Gagnaire, cuisinier aux 16 étoiles et aux 23 établissements dans le monde, a connu les deux extrêmes au début de sa carrière. Il a récemment publié un livre de cuisine, Les copains d’abord. 80 recettes faciles et conviviales. L’occasion pour le chef de revenir sur ces épreuves au micro Europe 1 d’Isabelle Morizet, dans son émission Il n’y a pas qu’une vie dans la vie. En effet, avant de connaître un succès mondial, il a vécu l’échec avec la fermeture de son restaurant à Saint-Etienne.
La consécration à ses débuts
À 26 ans, Pierre Gagnaire obtient sa première étoile au guide Michelin, avec le restaurant de son père. Une première récompense qui lui donne envie d’ouvrir son propre établissement. Chose faite en 1981, dans le centre-ville de Saint-Etienne. Puis, en 1992, il s'offre un nouveau rêve : un nouveau restaurant, toujours dans la cité stéphanoise, plus grand, entre les murs d'un hôtel particulier style "Art-déco". Et la consécration arrive rapidement. Dès l’année suivante, il obtient trois étoiles au guide Michelin, une note de 19,5 sur 20 au Gault & Millau et le titre de chef de l’année.
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Malgré la pluie de récompenses, la réalité financière est toute autre : la salle est souvent vide. "Ce qu’on fait a besoin de public", confesse Pierre Gagnaire. "Je ne l’avais pas à Saint-Etienne." Son choix de départ peut surprendre : la ville traverse une crise économique liée à la fermeture de l’usine Manufrance. "On avait dû me mettre en garde, mais monsieur Paul [Bocuse, ndlr] m’avait dit dès 1983-1984, 'Pierre, il faut que tu partes en Amérique, tu vas faire fortune' mais je ne l’ai pas écouté."
La grève de 1995 précipite son échec
"Je ne voulais pas quitter la ville, peut-être à cause d’un peu de peur, mais finalement cette période très difficile m'a permise de me construire", ajoute le cuisinier. "Je suis fasciné par les gens qui ont des salles pleines tout le temps : comment font-ils pour créer, se régénérer ?"
Un événement politique précipite la chute du restaurant étoilé : la grande grève de 1995. "J’ai une pensée pour mes confrères actuellement. En 1995, il y a eu, comme maintenant, une grève qui a duré. Pendant trois semaines, on a eu entre zéro et deux couverts par jour. C’était la goutte d’eau qui a fait déborder le vase."
Un rebond à Paris
"J’ai reçu beaucoup de signaux qui montraient que le restaurant n’était pas en adéquation avec la région", confie Pierre Gagnaire. "J’ai décidé de me saborder en 1996. Si j’étais resté je n’aurais pas pu continuer à faire mon métier comme je l’entendais. J’avais la crainte de devoir faire une cuisine plus consensuelle, plus pataude. Et ce n’était pas possible. Mon métier, pour moi, n’était pas un commerce mais un moyen d’expression. Il me faut des cuivres, des choristes, un bel environnement."
Le 12 mai 1996, Pierre Gagnaire ferme donc son restaurant trois étoiles. Les biens sont saisis pour payer les fournisseurs. "La brigade était au courant bien avant", précise le chef-cuisinier. "Mais ils n'ont pas voulu partir, ils sont restés avec moi jusqu'au bout." Après cet échec, il n'a qu'un seul objectif : trouver un lieu à Paris pour continuer de faire "sa" cuisine. C'est rue Balzac, dans le 8ème arrondissement qu'il ouvrira le restaurant Pierre Gagnaire, consacré par deux étoiles au guide Michelin en 1997 puis trois en 1998.