Christelle est amoureuse de sa psychologue, avec qui elle suit une thérapie depuis près d’un an. Elle n’ose pas lui dire, par peur de compromettre cette thérapie, et de perdre le "maigre lien" qui les unit. Elle a raconté son histoire au micro d’Olivier Delacroix, dans la Libre Antenne, sur Europe 1.
"C’est une forte affection, que je qualifie de sentiment amoureux. J'ai conscience que c'est un sujet qui peut prêter à sourire. Tomber amoureuse de sa psy, c'est le cliché. Mais c'est assez lourd à porter, c'est un vrai chagrin.
J'en ai parlé à mes amis, des personnes très présentes pour moi. Je ne les dénigre pas du tout mais je pense qu’on ne m'a pas réellement prise au sérieux. Je pense que mes amis ont très, très, très peur que je me prenne un gros mur. Alors qu’il n’y a pas de mur à se prendre, parce que je n'attends strictement rien. Il n’y a aucune autre issue qu’une relation ‘professionnelle’. Mais je pense que mes amis, me sachant très attachée à cette personne, se disent ‘Bon, voilà, elle va morfler’. Mais parfois, j'aimerais pouvoir en parler plus sérieusement, comme on pourrait parler d'une autre peine.
C’est vrai que j'ai tendance, souvent, à être un peu trublion et ça me dessert. Et justement, c'est l'ironie du sort. Les choses qui me touchent, qui me peine : j'ai tendance à les laisser passer sur un ton d'humour. Donc peut-être qu'au départ, effectivement, quand j'ai commencé à en parler à mes amis, j'ai dû faire des blagues. Mais il y a eu quand même des moments où j'ai dit ‘mais mince, oui, j'ai mal au cœur, je ne suis pas bien. J'ai mal parce que j'aime, j'aime beaucoup quelqu'un et ça n'aboutira jamais et ça me fait du chagrin'.
Ce n'est pas du tout un coup de foudre. C'est en ça que j’essaie d'argumenter. Mes sentiments sont sincères, ce n’est pas juste une lubie. Non, quand j'ai rencontré cette thérapeute, je ne me suis pas dit : ‘oh, quelle belle femme’ en la voyant pour la première fois. Au début, je m'en fichais, j'avais juste envie et besoin d'être écoutée, d'être aidée. Il s'est passé environ quatre mois. Elle m'a beaucoup aidée. Je ne voyais pas du tout la femme. Enfin, ça aurait pu être un homme, une girafe, une chèvre, je m'en fiche. Et au fur-et-à mesure que cette personne me renvoyait des choses positives, me rassurait, j'ai commencé à la regarder différemment. Et là, j'ai vu la femme. Oui, et c'est là que j'ai commencé à être troublée. Et là, c'est compliqué.
Malgré tout, Christelle ne veut pas lui en parler, de peur de mettre un terme, définitif, à leur relation.
Je ne le ferai jamais non, non. Parce que d'un point de vue professionnel, je pense que je serais obligée de me diriger vers un ou une collègue. Or, c'est une très bonne thérapeute pour moi. C'est une bonne thérapeute qui utilise une super thérapie. Et je ne voudrais pas perdre ça. Et puis je ne veux pas perdre le maigre lien que j'ai avec cette femme, parce que ça fait plaisir de la voir, au-delà du côté thérapeutique. Ça voudrait dire ne plus la voir du tout. Donc il est hors de question que j’aille en parler. C'est là l'ironie du sort, car c’est la personne qui serait probablement la plus à même de comprendre.
Ce sentiments ne risquent-ils pas de gâcher la thérapie ?
À plusieurs reprises, je me suis surprise. J’ai déjà lâché un petit peu ce qu'elle racontait. Pourtant, je suis dans un grand contrôle. Je fais très attention à ce que je fais. Je n'ai surtout pas envie qu'elle puisse déceler quoique ce soit.
Dieu merci, on n'aborde pas souvent le thème de l’amour, de mes relations. Sauf que là, très récemment, le thème est arrivé sur le tapis. La dernière séance a été un petit peu chaotique. Parce que voilà, j'ai bafouillé, j'ai essayé d'éviter certains trucs, je me suis prise les pieds dans le tapis.
Je ne suis pas masochiste. Je pense que même si ça me fendrait le cœur, il faudrait que je prenne la décision d'arrêter.
Christelle en est certaine : elle ne s'inscrit pas dans le cadre classique du "transfert".
"Moi, à la base, je n’ai aucune problématique amoureuse. Quand je suis allée la voir, et même encore aujourd'hui, ce n’était pas du tout le sujet de nos entretiens. Absolument pas. Peut-être que je me trompe complètement, de toute bonne foi, parce que je pense réellement avoir fait la différence entre la thérapeute et la femme.
Je ne suis pas du tout en train de me faire le moindre film, loin de là. J'ai les pieds sur terre. Mais il y a quand même une connivence. On plaisante un petit peu ensemble. Toujours sans la moindre familiarité, mais il y a quand même un petit rapport entre nous. C’est pour ça que j'ai aperçu un peu la femme et pas uniquement la thérapeute. Quand je m'apprête à sortir une plaisanterie, on a un regard, elle me dit ‘Bon, je sais, vous allez dire une ânerie, dites-moi l'inverse’. Il y a une certaine connivence entre nous.
Il y a trois ans, je voyais une psychiatre pour quasiment les mêmes soucis. Je vais être très franche avec vous. Cette femme, elle rente dans une pièce, tout le monde se retourne. Hommes, femmes, hétéros, girafe. Mais jamais je ne me suis dit : ‘Bon, cette femme-là…’