Qu’est-ce qu’un bon lycée ? Comme chaque année depuis 25 ans, les statisticiens du ministère de l’Éducation nationale tentent de répondre à cette question en passant au crible quelque 4.300 établissements à travers la France. À l’arrivée, leurs "IVAL" (indicateurs de valeur ajoutée), rendus publics mercredi, donnent pour chacun d'entre eux le taux de succès au baccalauréat en fonction du profil des élèves, et son aptitude à accompagner les jeunes jusqu'au diplôme. Forts de ce diagnostic, plusieurs médias dressent alors un palmarès des meilleurs lycées du pays. Mais chacun utilise sa propre méthodologie. Europe1.fr vous aide à y voir plus clair.
Sur quoi reposent les indicateurs du ministère ?
Les travaux du ministère, consultables en ligne, portent sur les lycées publics et privés présentant au moins 20 candidats au bac (10 pour les lycées professionnels) et proposant un cycle complet, de la seconde à la terminale. Les IVAL publiés mercredi, qui s'appuient sur les résultats de la session 2017, reposent sur quatre critères principaux :
- D'abord, le taux de réussite au baccalauréat. C'est l'indicateur le plus visible, mais pas forcément le meilleur pour juger de la qualité d'un établissement. Il correspond tout simplement au nombre de reçus au bac rapporté au nombre de candidats. L'an passé, il avait atteint 87,9% en moyenne en France, après la session de rattrapage, contre 88,5% en 2016, un record.
- Le taux d'accès au diplôme dans le lycée, qui évalue la probabilité d'obtenir le bac à l'issue d'une scolarité entièrement effectuée dans le lycée, quel que soit le nombre d'années nécessaires pour y arriver. Il s'agit là de prendre en compte la volonté d'un lycée de mener ses élèves jusqu'à l'obtention du bac. Plus ce taux est élevé, moins les établissements se séparent de leurs élèves les moins performants chaque année.
- Nouveauté cette année, le taux de mention est aussi pris en compte. S'il pèse souvent lourd dans la réussite à l’université, le ministère ne fait toutefois pas la distinction entre les mentions assez bien, bien et très bien.
- Mais pour mesurer les résultats d'un établissement, les taux "bruts" observés ne suffisent pas. Les équipes de Jean-Michel Blanquer ont donc mesuré, pour chaque indicateur, la différence entre les résultats obtenus et les résultats espérés. Le taux "attendu" prend donc en compte l'éventuel retard scolaire des élèves (redoublement ou non avant l'entrée en seconde), leur origine sociale, leur niveau scolaire (avec les notes du brevet en fin de classe de 3e), le sexe, et le choix plus ou moins étendu des filières dans le lycée. La valeur ajoutée est donc la différence entre le taux attendu et le taux réel. Si le ministère estime que tel lycée doit avoir 80% de réussite au bac et qu'il atteint 84% dans les faits, sa valeur ajoutée sera de 4 points.
Il ne s'agit cependant "ni de palmarès, ni de classement", martèle chaque année la Depp (Direction de l'évaluation, de la prospective et de la performance), rattachée au ministère. Contrairement donc, à ce qu'en font les différents médias.
Et les classements des médias ?
Sophie de Tarlé, rédactrice en chef du Figaro Étudiant, le reconnaît sur Europe 1 : "On ne peut pas s'empêcher, nous journalistes, de faire des classements". Et ceux-ci différent largement d'un média à l'autre.
Le Figaro justement, a ainsi distingué le lycée Henri-IV à Paris. Pour le quotidien, un bon lycée est d'abord un établissement qui présente d'excellents résultats académiques et qui garde ses élèves d'une année sur l'autre. Ce sont ces critères, ainsi que le taux de mention, qu'il a en tout cas choisi de mettre en avant, plus que leur valeur ajoutée.
Tout l'inverse du Parisien, qui récompense surtout les établissements qui ont le plus fait progresser leurs élèves. Dans ce palmarès, c'est donc le lycée Alfred-Nobel, situé à Clichy-sous-Bois, en Seine-Saint-Denis, qui a su tirer son épingle du jeu grâce à une valeur ajouté de 57 points, malgré un taux de réussite au bac de 86% (contre 74% attendus) et un taux de mention de 49%. Dans le classement, ces deux critères permettent cependant de départager les lycées qui auraient le même nombre de points de valeur ajoutée.
Si Le Parisien a par ailleurs choisi de différencier les établissements publics des privés, Le Monde a pris un postulat différent, en attribuant un poids identique aux quatre critères retenus pour l'occasion, à savoir le taux de réussite au bac, les taux d'accès de la première au bac et de la terminale au bac, et enfin la valeur ajoutée. Concernant ce dernier point, "nous avons estimé qu’un lycée qui obtenait les résultats attendus faisait correctement son travail et 'méritait' une note de 20/20. Ceux qui font mieux obtiennent donc, comme au bac, des points au-dessus de 20", détaille le journal du soir sur son site. Par ailleurs, n'ont été retenus que les lycées généraux et technologiques présentant au moins 100 élèves au bac et proposant au moins deux filières (S et ES), ainsi que les lycées professionnels présentant au moins 30 élèves. Parmi les lycées généraux, le lycée public Jardin d'Essai, aux Abymes, en Guadeloupe, récolte ainsi la note de 20,35, ex-aequo avec le lycée privé Saint-Joseph, situé à Hazebrouck, dans le Nord.
Linternaute.com, mais aussi L'Express ou L'Étudiant, misent encore sur d'autres systèmes de classement.
Au final, est-ce vraiment utile ?
Face à tout ce bazar, difficile de s'y retrouver quand on est parent. En réalité, il n'existe pas de meilleur lycée, mais plutôt des établissements convenant mieux à certains élèves qu'à d'autres. Si le niveau du collégien est très bon, il pourra très bien viser les lycées d'excellence, tels que Henri-IV ou Louis-le-Grand à Paris, dont le taux de réussite au bac approche les 100%. Si au contraire, son niveau est assez fragile, mieux vaudra donc privilégier un établissement qui le fera progresser le plus possible, et qui l'accompagnera de la seconde jusqu'à l'obtention du diplôme.
"Ces statistiques sont intéressantes, mais elles ne doivent pas dispenser de se rendre à des journées portes ouvertes ou de demander des conseils sur tel ou tel lycée", ajoute à l'AFP Samuel Cywie, porte-parole de la Peep, une des deux grandes fédérations de parents d'élèves.
Côté encadrement, ces données ont pour objectif de "rendre compte des résultats du service public d’éducation nationale et de donner aux responsables de ces établissements et aux enseignants des outils qui les aident à améliorer l’efficacité de leurs actions", pointe le ministère.
Un rapport des inspections générales, publié fin 2015, a enquêté auprès de 71 établissements pour tenter de repérer les facteurs déterminants dans la réussite d'un lycée. Conclusion de l'étude : il n'existe pas de recette miracle, "mais une conjonction de facteurs qui se renforcent mutuellement". Avec pour fil conducteur "l'attention portée aux enfants et la cohésion de l'équipe d'adultes". Et ce constat est "plutôt satisfaisant", selon les auteurs de l'étude. Car il "rappelle la diversité" des projets éducatifs, "élaborés en réponse à des situations variées et mis en œuvre par des équipes aux profils et compétences multiples".