Importée des États-Unis pour décorer nos aquariums, le myriophylle hétérophylle a fini, un jour, dans un cours d’eau. Et depuis 2017, c’est le calvaire des Voies navigables de France (VNF). Sur les 6.700 km du réseau fluvial public, le plus grand d’Europe, 1.450 en sont désormais envahis, soit près d’un quart. Dans le nord-est du pays, la plante avait été repérée sur 70 km de canaux en 2017. Trois ans plus tard, elle occupait 300 km, soit une surface quatre fois plus importante.
Une perte économique importante
Le myriophylle asphyxie toutes les autres formes de végétation qui se situent autour, s’emmêle dans les hélices des navires et endommage les moteurs. Impossible de s’en débarrasser : plus on la coupe, plus elle pousse, ses tiges s’allongeant de 30 cm par semaine.
Max Gérard, gestionnaire du port de plaisance de Saint-Jean-de-Losne situé au débouché du canal de Bourgogne, raconte : "Tout juste ce matin, j’ai navigué sur un bateau dont l’hélice s’est retrouvée coincée", rapporte-t-il. "Dans ces cas-là, on n’arrive plus à avancer, ni à freiner le bateau." Son activité économique est lourdement touchée : "Depuis 2017, j’ai perdu 30% de ma clientèle. Encore hier, un client de passage à Saint-Jean-de-Losne est immédiatement reparti avec son bateau, il ne voulait pas passer par ici sachant qu’il aurait des difficultés à naviguer", déplore-t-il.
L’expérimentation scientifique de la dernière chance
Dans ce port de plaisance, une expérimentation scientifique est menée pour tenter d’éradiquer le myriophylle par d’autres biais que le faucardage, la technique de coupe aujourd’hui pratiquée qui ne ralentit pas l’envahissement de cette espèce exotique. Karine Pascale, responsable environnement pour les Voies navigables de France, détaille les différentes concentrations qui sont progressivement introduites, ces jours-ci et pendant plusieurs mois, dans l’eau du port.
"On ensemence la gare d’eau avec des micro-organismes qui vont entrer en compétition avec la plante pour absorber les nutriments qui lui permettent de se développer", explique-t-elle. "On a également versé un colorant foncé, qui va avoir un effet miroir puisqu’il reflète 40% des rayons du soleil : c’est un inhibiteur de photosynthèse, qui là aussi empêche la plante de se développer", poursuit Karine Pascale.
Opération dernière chance, l'issue de cette expérimentation sera décisive pour connaître le sort réservé aux canaux français dans les années à venir… Réponse en octobre prochain, lorsque les données du biotraitement seront analysées, et les premières conclusions dévoilées.