"Complexité kafkaïenne, sous-financement chronique, insatisfaction des usagers et des personnels, multiplication des dérogations: le système d'accueil des jeunes enfants en crèche est à bout de souffle", observe la députée Renaissance Sarah Tanzilli. "Les travaux ont démontré que les défaillances identifiées n'étaient pas la conséquence de l'ouverture du secteur des crèches au secteur privé ou de l'influence des fonds d'investissement", a précisé l'élue du Rhône à l'AFP. "C'est le modèle économique et les règles de fonctionnement des crèches qui ont contribué à établir un cercle vicieux de la défaillance", explique-t-elle.
Le rapport doit être soumis lundi après-midi au vote de la Commission, où siège l'ensemble des groupes de l'Assemblée. Après la parution en septembre de deux livres-enquêtes mettant en cause les crèches privées, "Le prix du berceau" et "Babyzness", LFI avait obtenu en novembre, contre l'avis des groupes LR et Renaissance, la création de cette commission chargée d'enquêter sur le modèle économique des crèches et la qualité d'accueil du jeune enfant.
Mais le poste de président est revenu à un député LR Thibault Bazin, et celui de rapporteure à Mme Tanzilli. Vice-président, le député LFI William Martinet a indiqué à la presse qu'il publierait un contre-rapport.
"Cercle vicieux"
Les pouvoirs publics ont mis l'accent sur la quantité de places plutôt que la qualité d'accueil, pourtant essentielle quand "les neurosciences montrent que les 1.000 premiers jours de l'enfant sont déterminants dans son avenir", selon Mme Tanzilli.
"Un cercle vicieux de la défaillance" s'est installé: face au manque de personnel, les pouvoirs publics ont "allégé les taux d'encadrement". Le financement incite à "accueillir le plus d'enfants possible" dans une crèche. Cela dégrade les conditions de travail des professionnelles et les pousse à quitter le métier. Avec in fine moins de berceaux: 10.000 places sont "gelées" en France faute de personnel, explique Mme Tanzilli. Pour la rapporteure, des problèmes liés à la qualité d'accueil s'observent partout, dans le privé (un quart des quelque 500.000 places) comme dans le public (la moitié) ou l'associatif (un quart).
Les crèches privées dans le collimateur des Insoumis
Mais pour William Martinet au contraire, "les travaux ont fait la démonstration des effets néfastes des crèches privées lucratives": 93% des 26 fermetures administratives de crèches ont eu lieu chez des gestionnaires privés lucratifs, a-t-il indiqué dans une conférence de presse jeudi. "Une des révélations" des auditions est un "montage financier problématique": certains groupes paient des loyers pour une partie de leurs bâtiments à des sociétés civiles immobilières qui appartiennent à leurs actionnaires, a-t-il dit à la presse.
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Selon Mme Tanzilli, les auditions ont montré que "les fonds d'investissement n'ont pas un modèle basé sur la rentabilité à court terme ou le versement de dividendes à leurs actionnaires". "Le modèle économique de ces fonds inclut la qualité d'accueil pour pouvoir croître", observe-t-elle, soulignant les déboires du groupe privé People & Baby depuis la mort d'un enfant dans une microcrèche à Lyon en 2022. Les crèches privées ont fourni 90% des nouvelles places en dix ans.
Quelles solutions ?
Parmi les pistes envisagées par la rapporteure, ramener le taux d'encadrement à un adulte pour 5 enfants (1 pour 6 actuellement) d'ici 2027, pour permettre aux professionnels de bien faire leur travail et attirer des vocations. "De belles promesses sans moyens pour augmenter les salaires et donc qui ne verront jamais le jour", grince William Martinet.
La rapporteure propose en outre de supprimer le mécanisme de réservation de berceaux par les employeurs, qui crée un "coupe-file" pour leurs employés. Dans une logique de service public de la Petite enfance, la commune doit devenir selon elle l'interlocuteur unique des parents, soutenue par un "versement petite enfance" imposé aux employeurs.
Alors que manquent 200.000 places d'accueil du jeune enfant, fournir des "solutions fiables" aux familles pour qu'elles aient autant d'enfants qu'elles le souhaitent peut aider à contrer la chute de la natalité (-7% en 2023), souligne la députée, faisant écho à l'ambition de "réarmement démographique" formulée par Emmanuel Macron.