Des ministres, des élus, des chefs d'entreprise, des intellectuels, mais aussi des personnes âgées, handicapées, précaires... Quelque 400 invités sont attendus lundi soir au collège des Bernardins à Paris, pour la Conférence des évêques de France (CEF). Avec, au centre du jeu, le président Emmanuel Macron. Cette rencontre inédite démontre la volonté de l'Église catholique de mieux faire entendre sa voix. Pour le chef de l'État comme pour le premier culte de France, le moment est en tout cas "favorable", estime sur Europe1.fr l'historien des religions Odon Vallet.
Quel est le but de cet évènement et pourquoi l'organiser maintenant ?
"Il s'agit de mieux faire connaissance avec le président de la République et de lui présenter quelques principes de l'Église catholique, auxquels il répondra par un discours. Cela fait un an qu'Emmanuel Macron est président. Un an, c'est la fin de l'état de grâce. C'est aussi le moment de se présenter, maintenant que l'on connaît ses positions. Peut-être cherche-t-il aussi à nouer une relation un peu plus intense avec tous les courants de pensée, sans n'en privilégier aucun. Il ne fait d'ailleurs que répondre à une invitation des évêques. Je pense qu'il aura l'intelligence de faire la même chose avec les milieux protestants, comme il l'a déjà fait avec les milieux juifs et musulmans.
L'événement est cependant différent du dîner du Crif, qui est annuel et traditionnel. Là, il ne se répétera pas forcément. Cela a un côté un peu unique."
Quels sujets vont y être abordés ?
"Le thème de la soirée est la 'fragilité'. Mais il s'agit de parler de bioéthique, notamment d'euthanasie et de PMA - l'Église est contre - ou encore des migrants. Sur cette question, l'Église est plutôt pour bien les accueillir, comme le pape François, mais beaucoup de catholiques votent pour des partis d'extrême droite qui y sont opposés. Et puis il y a la laïcité. Pure et dure, les évêques sont bien sûr contre."
L'Église a-t-elle encore les moyens de peser dans le débat public ?
"Incontestablement, un certain nombre de parlementaires sont influencés par les positions de l'Église sur ces sujets de bioéthique et d'accueil des migrants. Mais il n'y a pas seulement l'Église qui joue un rôle. Il s'agit là de sujets qui ont toujours divisé. On verra ce que répondra Emmanuel Macron, mais il doit faire très attention : il ne faut pas qu'il apparaisse comme une grenouille de bénitier, autrement dit ne pas se montrer trop proche de l'Église, mais ne doit pas non plus se mettre à dos une partie de l'électorat catholique, alors qu'il a déjà beaucoup de problèmes en politique intérieure.
Je pense que le moment est favorable. On croit toujours que les églises chrétiennes sont en recul en France. C'était vrai il y a dix ans. Aujourd'hui, c'est complètement faux. J'ai montré dans mon dernier ouvrage, La foi demeure… malgré tout, que la pratique religieuse est en train d'augmenter en France. Jamais il n'y a eu autant de monde dans les églises que durant la dernière Semaine sainte. Or, c'est un peu comme les valeurs boursières : il faut les racheter quand elles sont au plus bas. De la même façon, les 'agences spirituelles' sont en train de remonter. Et le chef de l'État s'en est sûrement rendu compte..."
Est-ce également un moyen pour l'Église d'être plus visible médiatiquement ?
"Sans doute. On manque clairement de prêtres dans les diocèses ruraux. On voit bien qu'aujourd'hui, il est quand même difficile pour un jeune de s'engager toute une vie dans une existence qui va le priver d'une relation intime avec autrui. Il n'aura pas de femme, pas d'enfant... Cela parait dur.
Mais si des figures comme l'Abbé Pierre ou Sœur Emmanuelle ne sont aujourd'hui plus là, le pape François, lui, est très populaire. Il est assez probable qu'il ne soit pas étranger au regain de ferveur des Français, de la même façon que les attentats ont suscité une indignation et un désir de montrer que l'identité chrétienne, ça existait."