L’étau se resserre autour d’Alexandre Benalla. Déjà mis en examen pour ses violences sur des manifestants le 1er mai et sous le coup d’une enquête pour son utilisation des passeports diplomatiques, l’ancien conseiller de l’Élysée intéresse désormais la justice dans le cadre d'une enquête ouverte pour corruption sur des contrats passés avec des oligarques russes, selon une enquête de Mediapart. Une activité rémunérée qu’Alexandre Benalla aurait menée en parallèle de ses fonctions à l’Élysée.
Benalla, intermédiaire omniprésent du premier contrat
D’après Mediapart, l’affaire dite des "contrats russes" débute début 2018, à l’initiative d’Alexandre Benalla lui-même. Encore inconnu du grand public, l’adjoint du chef de cabinet d’Emmanuel Macron aurait alors adressé une carte de vœux à la société Velours, spécialisée dans la sécurité privée et pour qui il a travaillé jusqu’en 2015. Peu après, il aurait approché le patron Jean-Maurice Bernard pour lui parler d’un possible contrat avec "un ami", selon les dires de cet ancien policier, interrogé par Mediapart.
Mi-mars, les deux hommes se seraient rencontrés dans un bar à chicha non loin de l’Élysée, en compagnie de Vincent Crase, réserviste du commandement militaire de l’Élysée et responsable de la sécurité de La République en marche (il était également présent le 1er mai lors des violences en marge des manifestations). Selon Mediapart, Alexandre Benalla avait auparavant rencontré à plusieurs reprises l’homme d’affaires français Jean-Louis Haguenauer, représentant dans l’Hexagone de l’oligarque russe Iskander Makhmoudov. Ce-dernier souhaite assurer la sécurité de sa femme et ses trois enfants quand ils viennent en France.
Benalla a-t-il touché de l’argent sur ce contrat ? C’est l’offre qu’aurait transmise Alexandre Benalla à son ancien employeur Velours. Jean-Louis Haguenauer assure à Mediapart que le conseiller de l’Élysée aurait recommandé Vincent Crase pour exécuter le contrat. Autrement dit : Alexandre Benalla aurait contacté Velours pour la gestion du contrat, sous-traité par la suite à Mars, la société de Vincent Crase. Au printemps, les réunions entre les diverses parties se seraient multipliées, avec ou sans Alexandre Benalla. Selon Mediapart, c’est lui qui susurre alors les noms des sept officiers de sécurité qui vont se charger de la protection de la famille Makhmoudov. "Il nous a sollicités pour ce contrat. Il a assisté à la négociation. Il a suggéré les noms", affirme Jean-Louis Haguenauer au site d’investigation.
L’accord est signé le 25 juin et la mission (protéger la femme et les triplés de sept ans de Makhmoudov, lui-même n’étant pas présent en France) débute trois jours plus tard. Alors qu’il était toujours au service d’Emmanuel Macron, Alexandre Benalla aaurait-il touché de l'argent pour cette mission qu’il a contribué à mettre en place ? Sur les 294.000 euros du premier versement, 172.000 sont allés à la société Velours et 122.000 à Mars, qui réalisé au passage une marge de 40%, assure Mediapart. Une plus-value bien plus élevée que Velours, qui prend "seulement" 15% pour elle et paye les frais des officiers.
Comment Benalla a assuré la survie du contrat
La mission n’ira toutefois pas plus loin : les révélations du Monde, le 18 juillet, sur les agissements d’Alexandre Benalla et Vincent Crase, inquiètent Velours qui s’empresse de dénoncer le contrat. Les deux hommes envisagent alors de mettre en place un nouveau montage financier pour continuer à travailler pour Iskander Makhmoudov, comme le prouve l’enregistrement d’une conversation datée du 26 juillet et dévoilée par Mediapart. En attendant de trouver une solution, Alexandre Benalla aurait demandé personnellement à Velours de conserver le contrat.
Finalement, une nouvelle société, France Close Protection, voit le jour en octobre, affirme Mediapart, précisant qu'elle est dirigée par un ancien militaire dont le nom avait été un temps évoqué dans le contrat pour Velours. En surface, le nom d’Alexandre Benalla n’apparaît nulle part. D’après Mediapart, cette entreprise va reprendre à son compte le contrat de protection de la famille Makhmoudov. L’ancien conseiller de l’Élysée, licencié entre-temps suite aux révélations du Monde, aurait ainsi été contacté personnellement par le patron de la société qui gère les actifs de l’oligarque à Monaco pour s’en occuper.
Malgré son apparente absence de lien avec France Close Protection, Alexandre Benalla aurait été payé "plusieurs dizaines de milliers d’euros" en novembre et décembre, pour l’exécution du contrat, dont le montant total s’élève cette fois à 980.000 euros, selon Mediapart. Interrogé par la commission d’enquête du Sénat, le 21 janvier, Alexandre Benalla avait fermement nié avoir participé aux négociations de ce contrat pendant et après son passage à l’Élysée et avait refusé de décrire les prestations fournies à la société France Close Protection. Une ligne de défense désormais mise à mal par ces nouvelles révélations.
Un second contrat encore plus juteux
D’autant que le site d’investigation ne s’arrête pas là. Dimanche, Mediapart a dévoilé l’existence d’un second contrat qui serait encore plus juteux pour Alexandre Benalla. Pour le compte de France Close Protection, il aurait négocié début novembre la protection de la famille d’un autre oligarque russe, proche de Vladimir Poutine, Farkhad Akhmedov, lors de ses passages en France et dans d’autres pays d’Europe. Les missions sont les mêmes que pour le contrat d’Iskander Makhmoudov et le tarif aussi : 980.000 euros.
Mais cette fois, Alexandre Benalla aurait touché… 353.000 euros grâce à un montage financier. Début décembre, cette somme, un premier acompte, a été versée à France Close Protection, qui l’a immédiatement transférée sur le compte d’Instra Conseil. Cette société de "conseil en sécurité" et de "formation", créée peu de temps auparavant au Maroc, affiche un unique ayant droit : Alexandre Benalla. A-t-il touché cette somme personnellement ? L’histoire ne le dit pas encore…