Y a-t-il eu des ratés, des manquements, voire des infractions pénales dans la gestion de la crise sanitaire du coronavirus en France ? C'est tout l'enjeu de la vaste enquête préliminaire ouverte sur les décisions publiques prises face à l'épidémie. Cette annonce, faite mardi par le procureur de la République Rémy Heitz, amorce une séquence judiciaire de grande ampleur : 62 plaignants se sont déjà manifestés et d'autres pourraient suivre. La procédure, elle, s'annonce hors normes. Explications.
Le travail sera titanesque pour apporter une réponse aux nombreux plaignants. Pourquoi ? Ces plaintes ont été déposées contre X et le travail des magistrats sera d'établir les liens entre les plaignants (des citoyens directement touchés, des associations, des syndicats, des collectifs de personnel médical) et d'éventuels responsables. Elles ciblent parfois nommément des responsables de l'administration, notamment le Directeur général de la santé, Jérôme Salomon, en première ligne médiatique lors de l'épidémie en France, ou encore Santé Publique France.
Des responsables pourraient être jugés
Cette enquête pénale a une visée : il ne s'agit pas de lancer une commission d'enquête parlementaire pour tirer les leçons politiques de la gestion de la crise, mais bien de poser un cadre judiciaire. À terme, des responsables pourraient être jugés, voire condamnés, car les griefs portent par exemple sur l'absence de masques ou de tests, ce qui relève de décisions politiques.
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Pourquoi cette enquête est-elle ouverte maintenant ? Le parquet de Paris estime avoir suffisamment attendu que le gros de la crise sanitaire soit passé, avec un nombre de morts aujourd'hui beaucoup plus faible qu'au mois d'avril, et qu'il fallait donner suite à toutes ces plaintes, qui peuvent encore affluer. "C'est la première fois que des plaintes sont déposées alors que la crise bat son plein", relève Rémy Heitz auprès de l'AFP, alors que jusque-là "dans les grandes affaires de santé publique (sang contaminé, amiante...), la Justice est intervenue bien a posteriori".
"Abstention de combattre un sinistre dangereux"
Il y a donc, maintenant, un cadre juridique. L'enquête est ouverte pour "homicide et blessures involontaires", "mise en danger de la vie d'autrui", "non-assistance à personne en péril", mais aussi "abstention de combattre un sinistre dangereux". Ce dernier délit a d'ailleurs aussi servi à un certain nombre de plaintes adressées cette fois à la Cour de justice de la République (CJR), qui sert à enquêter sur les actes commis par les ministres en exercice. Cette juridiction a déjà reçu près de 80 plaintes.
L'enquête est confiée à l'Office central de lutte contre les atteintes à l'environnement et à la santé publique (Oclaesp), qui met en place une cellule dédiée avec jusqu'à neuf enquêteurs. Leur travail sera nourri par les enquêtes administratives des ministères, par des expertises scientifiques et aussi par les commissions d'enquête parlementaires.