Avec environ 1.500 consommateurs, selon les services de la ville, Paris doit faire face à la problématique du crack. Malgré le "plan crack" lancé il y a plus d'un an par les autorités, prévoyant 9 millions d'euros sur trois ans, la drogue continue de se répandre, principalement dans trois arrondissements du nord-est de Paris : le 10e, 18e et 19e. A eux seuls, ils cumulent 85% des infractions liées au trafic de crack et relevées dans la ville, selon la préfecture. Résultat déjà positif : la "colline du crack" située porte de la Chapelle, a disparu. Mais les usagers se retrouvent ailleurs.
"Un trafic de fourmis"
"Ce parc est infesté de toxicomanes toute la journée", confie Frédéric. De sa fenêtre du 11ème étage, il a une vue imprenable sur le jardin d'Eole, dans le 18e arrondissement de la capitale. La nuit tombe mais on devine encore plusieurs dizaines de personnes, des "crackers", comme on les appelle, identifiables aux lumières de leurs briquets. "On voit des petites flammèches, ce sont des consommateurs. Ensuite, ils se tabassent à deux ou trois, ils sont totalement défoncés du matin au soir", ajoute le riverain. L'un des toxicomanes, pantalon baissé, est en train de gratter le bêton avec ses pieds nus. Il "fait la poule", selon les habitants, c'est à dire qu'il cherche désespérément dans le sol des cailloux de crack.
La lutte contre le crack est complexe, car cette drogue, surnommée "la drogue du pauvre" n'est pas comme les autres. Mélange artisanal réalisé à partir d'un peu de cocaïne dans des cuisines clandestines équipés de plaques électriques, il n'y a pas de grand réseau de trafic. "On appelle ça un trafic de fourmis", explique Pierre Cabon, chef de la sûreté régionale des transports. "C’est-à-dire que chaque personne qui a un peu de cocaïne et qui connaît la recette pour faire du crack va en faire un peu pour répondre à cette demande particulière. Ce sont des usagers qui recherchent une défonce immédiate, quelque chose de lourd, de violent, de récurrent."
"J'ai peur et c'est notre quotidien"
La nuit, les toxicomanes se retrouvent sur la place Stalingrad. "Quand j'ouvre la fenêtre, je vois des drogués se promener. Ils se mettent à taper partout. Des femmes qui ont besoin d'argent pour se procurer leur dose se prostituent sous nos fenêtres", raconte Charlotte, habitante du quartier. "J'ai peur et c'est notre quotidien." Marie, qui vit à proximité de l'un des principaux points de vente et de consommation sur la place, à proximité de la Maison des canaux, partage le même constat. D'autant plus après l'agression d'une de ses filles. "Ma fille de 5 ans se baladait pour aller au cinéma, il s'agit de traverser la rue, très concrètement. L'adulte qui l'accompagnait a fait face à de la mendicité très agressive et plutôt que d'agresser l'adulte, le toxicomane a préféré se venger sur ma fille", raconte-t-elle. "Il a fallu expliquer à une petite fille ce que c'est que le crack et la toxicomanie." Désormais, lorsqu'elle sort de chez elle, Marie a peur de ne pas pouvoir protéger ses filles.
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Pour les riverains, l'enfer dure jusqu'au petit matin. En arrivant dans sa pharmacie, Jérôme croise souvent ces toxicomanes en pleine descente. "Nous, on les récupère vers 6-7 heures et on est dans Zombieland", constate le pharmacien. "C'est un trafic qui est là, on le sait et beaucoup de gens veulent améliorer les choses ici dans le quartier mais on n'y arrive pas." Il se désole de côtoyer cette misère humaine sans pouvoir rien faire. Comme les autres habitants, il ne croit plus vraiment au plan contre le crack.
Un kilo et demi saisi depuis le début de l'année
La lutte contre le crack est "une priorité" du parquet et de la police à Paris, ont pourtant rappelé jeudi le procureur Rémy Heitz et le préfet Didier Lallement, opposés à des salles de consommation. Depuis le début de l'année, les saisies sont infimes : un kilo et demi à Paris, soit 200 fois moins que le cannabis par exemple. Cette quantité représente tout de même 8.000 doses.
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"On a des personnes qui viennent d'Auxerre, d'Orléans, de Troyes pour se fournir en crack à Paris, et donc interdire à ces personnes de fréquenter ces arrondissements, cela paraît pertinent", souligne Nicolas Hennebelle, chef de la section en temps réel du Parquet de Paris. Interdiction de paraître sur place, c'est la réponse actuelle de la justice, associée à une obligation de soins et un suivi psychologique. Le procureur en prononce tous les jours, les policiers quadrillent le secteur, visible pour dissuader ou discret pour enquêter, sachant qu'il faut des semaines pour confondre solidement un revendeur afin qu'il soit condamné.