"Je souhaitais vous passer cet appel pour vous faire savoir que vous allez recevoir une première étoile dans le guide Michelin 2021". C'est un coup de téléphone qui change une vie, qu'a reçu Claire Vallée, à la tête du restaurant ONA, à Arès, en Gironde. Jeudi dernier, en présence d'un journaliste d'Europe 1, la cheffe a appris qu'elle faisait partie de la sélection du célèbre guide culinaire, publiée ce lundi midi. Et, par la même, que son établissement était le tout premier restaurant Vegan au monde à bénéficier d'une telle distinction !
"On fait aussi partie de la cuisine française"
"Je suis très, très émue", réagit immédiatement celle qui cuisine sans viande, poisson, œuf, crème ou beurre. "Félicitations à vous et à vos équipes, ces étoiles sont méritées, surtout dans le contexte actuel et avec l'année compliquée que la restauration vient de vivre", lui répond Gwendal Poullennec, le patron du Michelin.
Le téléphone raccroché, la cheffe, en larmes, tombe à genoux. "Il y a des fois on a envie de baisser les bras, parce que c'est dur. Mais là, d'être [dans le guide]… On fait partie des chefs. On n'est plus qu'un restaurant végétal, on fait partie aussi désormais de la cuisine française."
Une cuisine végétale découverte en Thaïlande
Une étoile d'autant plus émouvante qu'elle vient couronner un parcours personnel marqué par une grande détermination. Passée aux fourneaux après une formation d'archéologie, Claire Vallée a découvert la cuisine végétale - qu'elle préfère au terme "Vegan"- lors d'une année passée en Thaïlande. Avec beaucoup d'herbes, d'épices, du tofu et du seitan, un aliment fabriqué à base de protéines de blé. Et beaucoup moins de viande et de poisson.
En rentrant à Arès, elle travaille dans un restaurant gastronomique… tout en ne mangeant plus beaucoup de viande, et en réalisant qu'elle aime de moins en moins la travailler, préférant se concentrer sur les légumes. Elle saute le pas il y a quatre ans, en rachetant une pizzeria, qu'elle transforme en restaurant gastronomique végétal. C'est la naissance d’ONA (Origine non animale).
À l'époque, les fonds sont levés grâce à une campagne de financement participatif, les banques ne croyant pas au projet. L'établissement voit le jour, sans cuir dans la salle, ni aucun produit d'origine animal en cuisine, même le miel. "Je ne suis pas une ayatollah du végétal pour autant", assure la cheffe. "Je respecte les chefs qui travaillent avec des petits producteurs, des pécheurs locaux. Le problème c’est plus les grands groupes, la grande distribution."
"Avec une étoile, il y a un peu plus de stabilité"
Après le coup de fil du célèbre guide rouge, celle qui confiait pudiquement jusque-là "croiser les doigts pour l'étoile" se dit "rassurée", en pleine crise sanitaire du coronavirus. "On cherche un peu des fonds à droite à gauche, pour maintenir à flots toute la structure", explique-t-elle. D'autant plus qu'à la réouverture, un recrutement s'imposera : le second du restaurant, un cuisinier et deux serveurs ont quitté l'établissement, lassés par le chômage partiel.
"Est-ce que les banques vont suivre ? On sait qu'avec une étoile il y a un peu plus de stabilité", se félicite désormais Claire Vallée. "Comme on dit, ça met du beurre dans les épinards." Avant de se reprendre, sur mode beaucoup plus végétal : "Ça met de l'huile d'olive dans les épinards !".