A l'époque, on ne jure que par lui, un homme à poigne, qui dirige les scouts de Sainte-Foy-lès-Lyon comme un chef militaire. De 1972 à 1991, le père Preynat, considéré comme un homme très charismatique, a été une référence de l'Église lyonnaise. Un homme imposant physiquement, dynamique, qui chante fort dans la Chorale et qui inspire confiance aux parents de cette banlieue chic de Lyon qui n'hésitent pas à lui confier leurs enfants. Accusé d'agressions sexuelles sur dix mineurs dans les années 80-90, son procès débute lundi. Des abus qui ont provoqué la chute du Cardinal Barbarin, accusé d'avoir gardé le silence.
"Il essayait de nous caresser le sexe et de nous embrasser"
Dix victimes sont parties civiles dans ce procès. Sans oublier des dizaines d'autres pour qui les faits sont prescrits et dont les cas ne seront donc pas abordés lundi. A l'époque, le père de Preynat n'avait qu'à "se servir" dans son vivier de jeunes scouts. Il choisissait souvent des petits blonds mais repérait aussi les enfants les plus fragiles, raconte Stéphane Hoarau, victime d'une dizaine d'agressions sexuelles entre 86 et 89, les premières à l'âge de 7 ans. "Sous prétexte de l'aider à ranger une salle, il m'a entraîné dans cette salle et il a commencé à me serrer contre lui, à me caresser, à m'enlever la ceinture et à me déboutonner. Il essayait de nous caresser le sexe et de nous embrasser en même temps dans le car ou même lorsqu'on marchait en groupe. Ça arrivait assez régulièrement. Il ne se cachait pas, c'était plus ou moins à la vue de tout le monde", raconte-t-il.
Le père Preynat vivait dans une sorte d'impunité. Beaucoup savaient ce qui se passait mais personne ne disait rien. Jusqu'en 1991, quand des parents dénoncent ce qui se passe à sa hiérarchie, qui déplace le père Preynat, mais sans avertir la justice. Cette dernière ne sera saisie qu'en 2015, soit presque 25 ans plus tard.
"L'Eglise n'a pas complètement lâché Bernard Preynat"
Révoqué définitivement par l'Eglise à l'été 2019, c'est donc un homme qui n'est plus prêtre qui va comparaître devant le tribunal correctionnel. Dès 2015, il s'était vu retirer toute charge dans une paroisse et toute activité auprès des jeunes. Malgré tout, l'Eglise n'a pas complètement lâché Bernard Preynat, bientôt 75 ans. Elle lui fournit un logement et un petit complément de retraite.
Il a également continué à recevoir la visite d'ecclésiastiques. Notamment il y a deux ans, lorsqu'il a été hospitalisé plusieurs mois pour de graves problèmes cardiaques. A l'époque, son identité avait été cachée, et quand les soignants de l'hôpital de Fourvière ont découvert qui il était, ils ont eu beaucoup de scrupules à s'occuper de lui. D'autant que Preynat, une fois guéri, a, selon nos informations, tout fait pour retarder sa sortie et sa comparution devant un tribunal.