Certains membres des forces de l'ordre pourraient être systématiquement équipés de caméras-piétons pour encadrer les tirs de lanceurs de balle de défense (LBD). Le dispositif a déjà été expérimenté samedi à Bourg-en-Bresse, dans l'Ain, à l'occasion de l'"acte 10" du mouvement des "gilets jaunes". Si le ministère de l'Intérieur estime cette mesure satisfaisante pour répondre aux critiques sur l'utilisation d'armes de désencerclement lors des manifestations, l'idée rencontre de nombreuses réserves, tant du côté des "gilets jaunes" que des syndicats de police.
Une efficacité limitée. À Bourg-en-Bresse, samedi, cinq policiers qui ont utilisé un lanceur de balle de défense étaient équipés d'une caméra-piéton. Une initiative locale, annoncée dans la presse, pour calmer les esprits. L'examen des vidéos a permis de constater qu'elles étaient très utiles pour comprendre le contexte des tirs de LBD, et d'entendre notamment le bruit d'ambiance et les sommations des forces de l'ordre. Mais toutes les images ne sont pas exploitables. Quand les policiers épaulent pour tirer, la caméra fixée sur la poitrine peut être masquée par un bras ou changer d'angle de vue. Autre souci : la durée de vie de la batterie, qui n'excède pas les trois heures. Enfin, quand la nuit commence à tomber, la qualité des images s'en ressent.
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"Une mesure inadaptée par rapport au malaise social". "Ce que l'on a pu voir à Bourg-en-Bresse, photos à l'appui, c'est que les caméras ne sont pas disposées au bon endroit", estime Marie, une infirmière "gilet jaune", qui fait partie des volontaires prodiguant des soins médicaux lors des manifestations. "Elles étaient à hauteur de la ceinture, et non pas à la hauteur du flashball. On sait très bien qu'à hauteur de la ceinture, on ne peut pas avoir un maximum de visibilité", explique-t-elle. Elle dénonce donc "une mesure inadaptée par rapport au malaise social". "Nous, ce que l'on demande, c'est que l'on arrête d'utiliser le flashball, qui fait des blessures de guerre. Il y a une autre réponse à apporter que les caméras !", s'agace-t-elle.
Le dispositif généralisée pour l'"acte 11". Toutefois, le test a tout de même été jugé globalement positif à Beauvau. "Dans une double exigence de transparence et d'exemplarité", Christophe Castaner le ministre de l'Intérieur, a fait savoir qu'il voulait que tous les tirs de LBD soient filmés samedi prochain, par la caméra-piéton du tireur ou par celle d'un collègue qui resterait à ses côtés. Cette consigne pourrait néanmoins se heurter au manque de matériel, pointe un syndicat. L'Intérieur prévoit également une exception : si les policiers sont bousculés, à terre, et donc obligés de tirer pour se défendre, ils n'auront pas à utiliser leur caméra.
Dès samedi, les forces munies d'armes intermédiaires de type LBD seront, dans la mesure du possible, équipées de caméras-piétons ou de moyens d'enregistrement-vidéo.
— Christophe Castaner (@CCastaner) 22 janvier 2019
Une demande qui répond à la double exigence de transparence et d'exemplarité que nous devons aux Français. pic.twitter.com/qWJ5AkLlDB
Un risque pour la sécurité des agents. "Il faut distinguer le tir après sommation du tir de riposte dont les policiers ont besoin pour se dégager d'une situation et préserver leur intégrité physique", explicite auprès d'Europe 1 Yves Lefebvre, secrétaire général du syndicat de gardiens de la paix Unité SGP Police-Force Ouvrière. "Vous imaginez, avant de faire usage du LBD, il faudrait qu'ils mettent en route la caméra piéton ? Ce temps passé permettrait à l'agresseur d'aller encore plus loin dans son agression, ça n'est pas possible." Pour cet officier, "dans le cas d'un tir réflexe, de riposte", l'utilisation de la caméra-piéton pourrait "altérer la sécurité des agents."