Une cinquantaine d'enfants hospitalisés dont dix tués. Le bilan de l'attentat de Nice perpétré le 14 juillet sur la Promenade des Anglais a été terrible chez les mineurs. Deux mois après, le choc psychologique est toujours aussi important. Car au-delà des victimes physiques, il y a tous ces enfants et adolescents qui ont été traumatisés par l'événement. Impossible de savoir combien ils sont mais les prendre en charge sur la durée et dans les meilleures conditions relève du défi tant les besoins sont importants. Consciente de cela, la ministre de la Santé, Marisol Touraine, a annoncé mercredi que les victimes de l'attentat pourront bénéficier de dix séances auprès d'un psychologue, remboursées à hauteur de 50 euros, chacune.
Quel suivi psychologique ? Dès la nuit du 14 juillet, des cellules médico-psychologiques ont été mises en place pour accueillir les victimes. Aujourd'hui, les enfants, comme les adultes, disposent d'un numéro de téléphone pour les orienter vers tel ou tel suivi médico-psychologique. Contacté par Europe 1, l'Agence Régionale de Santé de PACA explique que depuis la mi-août au moins 350 enfants ont appelé ce numéro contre 700 pour les adultes.
Les enfants et les camions. En ville, les psychologues sont eux aussi très sollicités pour répondre à la demande. Catherine Pierrat, psychologue, s'occupe d'une dizaine d'enfants qui étaient présents sur la promenade le jour de l'attentat. Crises d'angoisses, de larme, terreurs nocturnes, troubles du sommeil ou de l'alimentation… Les symptômes que présentent ses petits patients sont variés, et leur prise en charge unique : "cela va dépendre de l'âge de l'enfant, de l'endroit où ils étaient sur la prom', de la réaction de leurs parents".
Une famille la marque particulièrement. De nationalité belge, elle a vécu les attentats de Bruxelles avant d'emménager à Nice et de se retrouver le 14 juillet sur la promenade des Anglais. "Les deux petits, qui ont 5 et 8 ans, parlent beaucoup de peur, de méchants", raconte Catherine Pierrat. "Ils ont peur des camions aussi. Je n'avais pas fait attention mais j'ai beaucoup de jouets dans mon cabinet et le plus petit a pris un camion et l'a jeté par la fenêtre". Une autre psychologue niçoise, Michèle Vermillière, constate aussi l'omniprésence, légitime, du camion dans le récit des enfants. "J'ai une petite de trois ans, présente le 14 juillet, qui me raconte : 'il y a un camion blanc qui fonce sur les enfants et les enfants sont morts'".
A l'école, "on s'attend à de plus en plus de demandes". Un traumatisme que l'on retrouve aussi dans les écoles. Pour la rentrée scolaire, le rectorat avait procédé à un ciblage des écoles sensibles où des enfants étaient morts ou avaient été blessés. Si "au moment de la rentrée, il n'y a pas eu de choses particulières au niveau des enfants", relève Laurent Chazelas, président de l'Association française des psychologues de l'Education nationale, "après coup, on a de plus en plus d'enfants qui nous sont signalés soit pour des questions d'agitation soit pour des questions de repli sur soi". "On s'attend à de plus en plus de demandes", explique-t-il. Il confie, par ailleurs, sa vigilance sur l'organisation prochaine de l'exercice attentat-intrusion qui "ne doit pas réveiller les traumatismes".
Dans les hôpitaux, trois mois d'attente pour un rendez-vous. Mais c'est surtout à l'hôpital que l'on réclame plus de moyens. Dans une interview au Monde, Florence Askenazy, chef du service de psychiatrie de l'enfant et de l'adolescent au CHU Lenval de Nice, se dit "inquiète pour la santé des enfants niçois". En deux mois, son service a vu passer plus de 900 personnes, des enfants et des adolescents, des familles. Si elle salue la mobilisation dans l'urgence de tous les professionnels de santé, elle tire la sonnette d'alarme sur la prise en charge de ces enfants à long terme. "Dans mon service, il y a parfois trois mois d'attente pour un rendez-vous. Pour continuer à effectuer un travail correct, il faut maintenant des moyens", assure-t-elle.
Un constat que partage Olivier Guérin, maire adjoint à la santé. "A l'heure actuelle, les professionnels de santé, dans le champ de la santé psychique, sont peu nombreux. On manque de bras", déplore-t-il.