Aujourd'hui, il porte un jean serré et un blouson flashy. Bien loin du qamis, la tenue traditionnelle musulmane qu'il a longtemps portée. Michel*, 26 ans, porte toujours la barbe. "Sans ça, je ne ressemble à rien", s'excuse-t-il presque. Lundi et mardi, il sera jugé avec deux compagnons de voyage devant le tribunal correctionnel de Paris pour être parti "faire le djihad" en Syrie en 2013. À la veille de son procès, celui qui assure s'être repenti et avoir compris "ses graves erreurs" s'est confié longuement, entre silences et larmes, au JDD.
Parti dans un "but humanitaire". Comme d'autres avant lui, Michel raconte qu'il est parti en Syrie pour "aider les Syriens persécutés par Bachar El-Assad". Parti dans "un but humanitaire". En quête d'idéal, le Lillois qui s'est converti à l'islam à l'âge de 13 ans lâche : "C'était une terrible erreur. J'en paie le prix aujourd'hui". Aujourd'hui, il veut apporter les preuves d'un retour à une vie normale en évoquant les bulletins de note de ses enfants et participe à une formation professionnelle, "près de la nature et des chevaux", loin des armes de guerre ou de l'Etat islamique. Lundi et mardi, il devra convaincre les juges de sa sincérité.
200 djihadistes rentrés en France. Selon les chiffres du ministère de l'Intérieur délivrés à la fin du mois de novembre, près de 200 Français seraient rentrés dans l'Hexagone. Près de 700 autres, hommes et femmes confondus, seraient encore sur place. Michel n'ignore pas que, depuis quelques mois, la justice a la main lourde. Avoir rejoint les rangs de l'Etat islamique est désormais un crime passible de vingt à trente ans de réclusion. Jusqu'alors, le délit était passible de dix ans de prison. S'il assure s'être "déradicalisé tout seul", le jeune homme confie être resté "profondément musulman". Il a récemment renoué le lien avec ses parents et son père lui a promis d'être dans la salle d'audience, lundi, pour le soutenir.
La Syrie, "c'était le paradis pour les enfants". "Je me suis rendu compte que j'avais eu tout faux en me rendant en Syrie", avance Michel. Comme tant d'autres avant lui, c'est Internet qui a influencé sa décision, "tout seul, en regardant des vidéos". Puis, en 2013, c'est le départ pour la Syrie, avec 300 euros en poche : "ça ne coûtait rien", précise Michel. Sur place, il assure avoir eu avant tout une activité spirituelle mais admet avoir été armé d'une kalachnikov. "J'étais prêt au combat", affirme-t-il. "Je ne cherchais pas à mourir en martyr, mais si Dieu me l'avait offert, je l'aurais pris".
Il fait venir sa femme et leurs deux enfants âgés de 3 et un et demi à l'époque. "Nous avions le sentiment de participer à la fondation d'un monde musulman parfait. On était comme des pionniers...", se souvient-il. Logés dans une luxueuse villa abandonnée de ses occupants, Michel décrit un "paradis pour les enfants".
"Le rêve a viré au cauchemar". Puis vient le temps de la désillusion. Michel réalise que les "groupes" présents sur place se battent pour des "luttes de pouvoir". Puis la terreur que "Dawla" (l'Etat islamique en arabe, ndlr) faisait régner. Michel se remémore un homme handicapé mental, abattu de sang froid pour avoir "soi-disant insulté le prophète". Blessé par l'éclat d'une balle en 2014, il émet le souhait de rentrer en France. Rentré en France, il reprend une vie normale et demande un nouveau passeport. "C'est là que j'ai compris que j'étais sous surveillance", explique Michel.
"Mon seul objectif : la réussite des mes enfants". Alors qu'il est sur le point d'être jugé pour participation à un groupe en vue de préparation d'actes de terrorisme, Michel sait qu'il risque la prison. "Je ne suis pas un terroriste", lance-t-il. "J'ai été aveuglé, manipulé", ajoute le Lillois. Il l'affirme : "Désormais, mon seul objectif est la réussite de mes enfants". S'il comprend qu'après les attentats qui ont touché la France la justice puisse avoir des doutes, il concède son erreur : "Je me suis trompé sur toute la ligne. J'espère ne pas le payer toute ma vie".
*Le prénom a été changé.