En 1974, Valéry Giscard d’Estaing est élu Président de la République. Avec Jacques Chirac, son Premier ministre, ils incarnent une nouvelle génération et ont pour mission de réformer le pays en profondeur. Pour la première fois dans l’histoire de la République, neuf femmes sont nommées au gouvernement : huit à des postes de secrétaires, et une au rang de ministre. Cette dernière n’est autre que Simone Veil, une magistrate bien connue des cercles intellectuels. L’historienne Virginie Girod raconte dans le podcast “Au coeur de l’Histoire”, avec les archives sonores de la radio Europe 1, le début de son parcours : “Simone Veil n’avait pourtant jamais songé à la politique jusque-là, elle n’était affiliée à aucun parti. Mais elle était considérée comme une personne capable de trouver la bonne mesure entre la tradition et le progrès. Une seule femme avant elle avait été ministre : Germaine Poinsot Chappuis, entre 1947 et 1948.”
Simone Veil, en charge de la santé, se voit confier un projet particulièrement épineux : la légalisation de l’interruption volontaire de grossesse, ou IVG. “Quand Simone Veil prend ses fonctions, l'IVG est interdite en France. La loi condamne les femmes qui se font avorter, les ‘faiseuses d’anges’ qui les aident à avorter, et tous ceux qui facilitent l’accès à l’avortement de manière générale. Ces personnes encourent la prison, parfois même la peine de mort”, explique l’historienne Virginie Girod. En 1971, le Nouvel Observateur avait publié le Manifeste des 343, une pétition en faveur de l’avortement libre et gratuit comptant 343 signataires parmi lesquelles des personnalités publiques comme Catherine Deneuve, Françoise Fabian, Marguerite Duras ou encore Simone de Beauvoir. Plusieurs d’entre elles ont déjà eu recours à l’IVG, pas toutes, mais elles tiennent à soutenir la cause.
Mais l’année suivante, en 1972, 354 femmes sont encore condamnées. Cette année-là a aussi lieu le procès de Bobigny, dans lequel une adolescente, Marie-Claire Chevalier, est jugée pour avoir avorté après un viol. Son avocate, Gisèle Halimi, va pour la défendre remettre en question la loi répressive sur l’interruption de grossesse, dénonçant son caractère obsolète et les inégalités sociales qui en découlent. En effet, pour celles qui n’avaient pas les moyens de se faire avorter dans les pays voisins, “les avortements étaient pratiqués dans des caves ou sur des tables de cuisine, avec évidemment un très haut risque d’infection, de séquelles, voire de mort”, détaille Virginie Girod.
Le 26 novembre 1974, Simone Veil présente son projet de loi devant l’Assemblée nationale. Pour rendre aux femmes le droit de disposer de leur corps, elle propose une dépénalisation de l’avortement pour une durée intiale de cinq ans. Mais face à une audience constituée de 481 hommes et seulement neuf femmes, elle sait que le combat s’annonce difficile. Pour les convaincre par les faits, elle présente l’interruption de grossesse comme une solution de dernier recours qui pose un véritable problème de santé publique.
Le débat parlementaire durera trois jours, durant lesquels Simone Veil subira des attaques et des invectives particulièrement choquantes. Certains députés font même le parallèle entre l’avortement et les fours crématoires des camps d’extermination, dont Simone Veil est une rescapée. La Loi Veil est finalement adoptée le 20 décembre, par 277 voix contre 192 à l'Assemblée nationale et 185 voix contre 88 au Sénat.
>> Ecoutez l’épisode dédié à cet évènement historique dans “Simone Veil, son combat pour la justice”, une série inédite tirée du podcast “Au coeur de l’Histoire” et racontée par l’historienne Virginie Girod.