Les syndicats de magistrats évoquent une "victoire". Une information judiciaire a été ouverte à l'encontre du ministre de la Justice, Eric Dupond-Moretti, pour "prises illégales d'intérêt". La commission d'instruction de la Cour de justice de la République (CJR), compétente concernant les actes accomplis par les ministres dans l'exercice de leurs fonctions, va enquêter sur le garde des Sceaux. L'annonce réjouit l'Union syndicale des magistrats (USM) et le syndicat de la magistrature (SM), à l'origine de la plainte aux côté de l'association Anticor.
"Nos craintes étaient fondées et légitimes", dit l'USM
"C’est une victoire dans le sens où nous disons et répétons depuis des mois qu’on ne peut pas avoir un ministre de la Justice qui utilise ses fonctions pour faire avancer ses affaires ou régler des comptes", explique Ludovic Friat, secrétaire général de l'USM, au micro d'Europe 1. La plainte n'avait pas été déposée de "gaîté de cœur", dit-il. "Mais plus le temps a passé, plus on s’est aperçu que nos craintes étaient fondées et légitimes. La CJR ayant pris connaissance de ces faits estime qu’ils méritent une instruction. On verra à l’issue de cette instruction s’ils méritent un renvoi devant la CJR."
En toile de fond se dessine toujours le même grief, agitant la magistrature depuis quelques mois. Les magistrats reprochent d'abord à Eric Dupond-Moretti d'avoir tardé à donner des consignes pour qu’il ne soit plus destinataire de remontées d’informations sur les dossiers dont il a eu connaissance en tant qu’avocat. Il y a aussi et surtout l’affaire dite du "PNF". En tant qu’avocat, Eric Dupond-Moretti avait déposé une plainte contre les magistrats du PNF qui avaient épluché ses factures téléphoniques. Certes, il avait retiré sa plainte une fois ministre mais il avait ouvert une enquête administrative à leur sujet : les syndicats ont protesté en cœur accusant le ministre d'être "juge et partie".
"Quand on devient ministre, on doit représenter l’intérêt général"
"Depuis le départ, le ministre a opposé une fin de non-recevoir à notre questionnement par rapport à son positionnement institutionnel, à savoir que quand on a été avocat, on a représenté des intérêts privés, et en l'occurrence ses propres intérêts, avec son dépôt de plainte contre le PNF. Quand on devient ministre, on doit représenter l’intérêt général", rappelle Katia Dubreuil, présidente du Syndicat de la magistrature.
Elle dit se "satisfaite" de l'ouverture de cette information judiciaire. "Ce dont nous sommes sûrs c’est qu’il y a un conflit d’intérêt. La question est de savoir s’il s’agit d’une infraction pénale ou non. Et ça c’est le droit qui doit être dit par la cour de justice."