Près de quatre mois après le début du mouvement, les "gilets jaunes" n'ont pas baissé pavillon. Le week-end dernier, la mobilisation s'était essoufflée : pour l'"acte 17", l'heure est donc à la remotivation. Sit-in, flash-mob, défilés avec des collectifs féministes… Des actions inédites sont organisées samedi à Paris, tandis que plusieurs dizaines de rassemblements ont lieu en régions. À 14 heures, le ministère de l'Intérieur recensait 7.000 manifestants, un chiffre en hausse par rapport à la semaine dernière, mais en baisse comparé à celle d'avant.
Les principales informations à retenir :
- 28.600 manifestants ont été recensés en France selon le ministère de l'Intérieur. Il s'agit de la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement.
- Plusieurs centaines de femmes ont mené le cortège au départ des Champs-Élysées, aux côtés d'assistantes maternelles notamment. Le sit-in prévu au Champ-de-Mars a été très peu suivi
- Plusieurs dizaines de rassemblements étaient organisés en régions, notamment à Nantes, ou de légères échauffourées ont eu lieu, ou devant la préfecture de Haute-Loire, au Puy-en-Velay
Un défilé commun avec des collectifs féministes
Au lendemain de la journée internationale des droits des femmes, les femmes "gilets jaunes" avaient prévu de "donner de la voix", d'après le nom de leur événement Facebook. Le cortège s'est élancé peu après 11 heures des Champs-Élysées en direction du jardin du Luxembourg. En tête, les "gilets roses", ces assistances maternelles mobilisées depuis le 2 février contre la réforme de leur indemnisation chômage, ainsi que le collectif #8mars15h40 qui appelait à porter un foulard violet pour dénoncer les inégalités salariales et les violences sexistes et sexuelles.
Au total, plusieurs centaines de personnes ont participé au défilé, sans incidents sur un parcours autorisé. "C'est aujourd'hui qu'on voit vraiment la convergence des luttes", a assuré Laure, "gilet jaune" de la première heure, au micro d'Europe 1.
collectif #8mars15h40 gilets jaunes gilets roses manifestation convergente a Paris Femmes précaires en colère on en a marre de la galère pic.twitter.com/lSyvnjtgId
— UFSE-CGT (@UFSE_CGT) 9 mars 2019
Mais sur les Champs-Élysées, la situation est devenue quelque peu confuse quand une partie du cortège n'a pas suivi le principal, mené par les femmes. L'avenue a été coupée en deux par un barrage de CRS avec camions et canon à eau, au niveau de la rue de Galilée. Bon nombre de "gilets jaunes" sont donc restés statiques pendant plusieurs heures, avant d'être rejoints un peu plus tard par des manifestants qui étaient partis avec le premier cortège. Vers 18 heures, quelques centaines de personnes demeuraient donc près de la place de l'Étoile, encerclées par les forces de l'ordre. Celles-ci ont fait usage à quelques reprises de gaz lacrymogènes, puis de canons à eau pour tenter de disperser les derniers manifestants.
Vers 19 heures 30, les derniers "gilets jaunes" étaient en train de se disperser, encadrés par les forces de l'ordre. Au micro d'Europe 1, Mickaël, un "gilet jaune" de longue date, a confié sa déception. "Franchement, aujourd'hui, ça a été statique. Je reste sur ma faim (...) Ça manque d’énergie, ça manque de souffle, je suis assez déçu", a-t-il déclaré.
Gilets jaunes: des canons à eau sont utilisés sur les Champs-Élysées pour faire reculer des manifestants pic.twitter.com/NudrCqi4fo
— BFMTV (@BFMTV) 9 mars 2019
Selon la préfecture de Police, 19 personnes ont été interpellées dans la capitale. En fin de journée, le ministère de l'Intérieur a indiqué qu'au total, 28.600 manifestants avaient été comptés samedi sur l'ensemble du territoire, dont 3.000 à Paris. Il s'agit de la plus faible mobilisation depuis le début du mouvement. A 14 heures, 7.000 manifestants avaient été recensés dans toute la France, contre 5.600 le 2 mars.
Le sit-in fait "pschitt" à Paris
Plutôt que les habituelles manifestations du samedi, d'autres "gilets jaunes" avaient cette fois opté pour un sit-in au Champ-de-Mars, autrement dit devant la Tour Eiffel, jusqu'à dimanche soir. Sur l'événement Facebook baptisé "Acte Décisif: NOUS NE Bougerons PAS !", quelque 1.500 personnes promettaient d'y participer, tandis que 6.600 autres étaient intéressées. Mais l'événement a vite tourné court. Vendredi soir, une trentaine de manifestants avaient tenté d'installer quelques structures près de la Tour Eiffel, avant d'être rapidement délogés par les forces de l'ordre.
Samedi matin, vers 11 heures, ils étaient à peine 150 à prendre place sur le Champ-de-Mars, selon notre reporter sur place. Dans l'après-midi, le sit-in semblait terminé.
Crédit photo : Hélène Terzian/Europe 1
Un étonnant flash-mob à Roissy
Autre nouveauté ce samedi : certains "gilets jaunes" avaient appelé à se rassembler à l'aéroport de Roissy Charles-de-Gaulle. Après s'être retrouvés à midi, près du terminal 1, "sans gilet apparent avec un passeport si possible et un sac de voyage pour tromper les forces de l'ordre", les manifestants ont enfilé leur célèbre tenue en même temps, une heure plus tard. Le tout, "sans bloquer les accès des départs aux voyageurs". Plusieurs dizaines de "gilets jaunes" ont répondu à l'appel et ont déambulé dans l'aéroport, en musique et en dansant.
Opération #GiletsJaunes contre la #privatisation d'ADP à Roissy
— Syndicat Commerce (@SyndicatC) 9 mars 2019
La France elle est à qui ? À nous !#9Mars2019pic.twitter.com/qt71zFBcNm
Et en régions ?
Plusieurs dizaines de rassemblements étaient aussi prévus en régions. Près de 2.500 "gilets jaunes", selon Le Progrès, ont pris part à la manifestation cet après-midi au Puy-en-Velay, où la préfecture de Haute-Loire avait été incendiée le 2 décembre dernier. Le préfet de Haute-Loire a indiqué à 13 heures que de nombreux contrôles avaient été effectués et avaient permis la saisie d'objets tels que "des boules de pétanques, des battes de baseball, un jerrycan, un maillet, ou encore une scie ou un sabre japonais." Malgré ces mesures, quelques heurts ont éclaté, avec notamment des jets de projectiles sur les policiers.
© Rémy Pierre / Europe 1
À Bordeaux, l'une des places fortes depuis le début du mouvement, le cortège s'est élancé vers 13 heures de la Place de la Bourse, puis a défilé dans les rues du centre-ville, traversant notamment les places de la Victoire, puis de la République, avant de rejoindre la gare Saint-Jean dans le calme. Au final, l'acte 17 y a moins mobilisé que d'habitude, et les manifestants semblaient moins nombreux que les 4.000 de l'acte 16. Selon Sud-Ouest, entre 3.000 et 3.500 personnes étaient présentes.
#Bordeaux#GiletsJaunes Les manifestants arrivent place de la Victoire et se dirigent vers la gare. La semaine dernière, certains avaient envahi son hall pendant quelques minutes. pic.twitter.com/MwzVfzYPik
— Elisa Cazcarra (@ElisaCazcarra) 9 mars 2019
A Toulouse, autre foyer de la contestation, plusieurs dizaines de femmes ont pris la tête du cortège de plus d'un millier de "gilets jaunes", en scandant des slogans féministes en début d'après-midi. La manifestation a rassemblé entre 3.000 et 4.000 personnes selon La Dépêche du midi, qui évoque une mobilisation "en demi-teinte". Les forces de l'ordre ont reçu ordre de disperser la manifestation vers 17h30, et ont fait usage de canons à eau et de gaz lacrymogènes.
À Nantes, environ 300 personnes étaient rassemblées près du centre commercial Atlantis, à Saint-Herblain. Des échauffourées ont éclaté et les forces de l'ordre ont répondu aux "gilets jaunes" par de nombreux jets de gaz lacrymogènes, comme en témoigne cette vidéo tournée par une journaliste de France Bleu Loire Océan :
Lacrymos CRS et #GiletsJaunes au pied d'IKEA #Nantes#ActeXVIIpic.twitter.com/G9DyHWsoXg
— Pascale Boucherie (@BoucheriePasca1) 9 mars 2019
Un groupe composé d'une trentaine de personnes a ensuite pénétré brièvement dans le centre commercial, en entrant par une porte de parking. Lorsque les policiers sont intervenus pour les faire sortir, des bocaux remplis d'excréments ont été jetés. Selon la préfecture, trois personnes ont été interpellées. Vers 17 heures, le calme n'était pas tout à fait revenu, des tirs sporadiques de gaz lacrymogènes ayant toujours lieu aux abords de la zone.
800 personnes étaient rassemblées à Quimper, en partant de la préfecture du Finistère, lors d'une manifestation non déclarée. En fin d'après-midi, des "gilets jaunes" ont brièvement occupé les voies de chemin de fer de la gare et des affrontements ont éclaté devant la préfecture. Au moins un manifestant a été interpellé, tandis que les pompiers ont fait état de deux blessés légers.
À Longuenesse, dans le Pas-de-Calais, une centaine de "gilets jaunes" a également tenté de bloquer l'hypermarché Auchan, avant que les forces de l'ordre n'interviennent. Mais ici, la situation est restée calme.
Dans l'Oise, à Beauvais, les "gilets jaunes" ont par ailleurs été délogés de la rocade par les forces de l'ordre, qui ont fait usage de gaz lacrymogène. Selon Oise-Hebdo, au moins une personne a été interpellée. 300 personnes ont également battu le pavé à Besançon lors d'une marche contre l'usage des LBD par les forces de l'ordre.
A Strasbourg, quelque 150 personnes ont défilé en fin de matinée dans les rues de la ville, rapportent les Dernières nouvelles d'Alsace, avant de rejoindre un centre commercial du quartier d'Hautepierre. D'autres manifestations se déroulaient sans incident majeur à Lyon, Saint-Brieuc, Caen, Rouen, Dijon, Lille, ou Nancy.