C'est un phénomène qui prend de l'ampleur et qui inquiète les professionnels de la justice. Le proxénétisme des mineures est en constante hausse ces trois dernières années. Les dossiers impliquent des jeunes filles qui ont entre 13 et 17 ans, tandis que leurs proxénètes sont à peine plus âgés. Venant de tous les milieux, les victimes de ces réseaux sont de plus en plus nombreuses, selon les informations d'Europe 1.
Un nombre de dossiers multiplié par trois dans certains départements
Dans le Val-de-Marne, les dossiers ont été multipliés par trois en trois ans : on en comptait 14 en 2016, et 47 l'an dernier. La situation est telle qu'à Créteil et Bobigny, qui dénombre une centaine de signalements suspects et une cinquantaine d'affaires, un magistrat a été dédié à cette question. Si chaque dossier est différent, ils ont tous un point commun : le mode de recrutement. "Ça va être par Instagram, Snapchat, Facebook", explique au micro d'Europe 1 Raphaëlle Wach, substitut du procureur à Créteil dédiée à ces dossiers de proxénétisme des mineures.
Un recrutement sur les réseaux sociaux
"Il va y avoir des mots clés comme #argentplanfacile, la jeune fille clique dessus et on va lui expliquer qu'elle doit être escort. Le mot 'prostituée' n'est jamais employé, il fait peur. Si elle accepte, elle rencontre bien souvent le proxénète qui va l'emmener dans un lieu déjà prêt, et la prostitution commence", détaille-t-elle. Ainsi, il peut se passer à peine quelques heures entre le moment où elles répondent à l’annonce et le moment où on vient les chercher pour les conduire dans des hôtels bas de gamme ou des Airbnb.
De leurs côtés, les proxénètes sont à peine majeurs, certains se présentent comme leurs petits copains, d’autres rodent et recrutent carrément à la sortie des foyers de l’aide sociale à l’enfance. Quelques-uns ont déjà un casier judiciaire, et certains sont même en reconversion criminelle et basculent du trafic de stups au proxénétisme, finalement plus simple et plus rémunérateur. Mais ils encourent tout de même jusqu’à 10 ans de prison, et 15 ans de réclusion criminelle si la mineure est âgée de moins de 15 ans.
Une banalisation de la prostitution
Mais ce qui inquiète le plus les magistrats, c'est la banalisation, la normalisation de cette prostitution. Dans de nombreux dossiers, les proxénètes comme les prostituées présentent leur relation comme une relation d’affaires banale et semblent totalement déconnectés de la réalité des faits. "Les victimes sont mineures, elles n’ont pas le droit de travailler ni de contracter des actes juridiques, de voter non plus, mais on considérerait qu’elles peuvent consentir librement", s'indigne Raphaëlle Wach.
Parmi toutes les affaires traitées, la substitut du procureur se souvient particulièrement "d'un dossier où l'appartement était dans un état d'insalubrité très avancé, avec des sacs poubelles qui débordaient de préservatifs usagés, dans une atmosphère suffocante". Au-delà de ça, c'était extrêmement glaçant et frappant que de voir cette description mécanique d'une passe par une jeune fille de 14 ans", assure la magistrate.
Le phénomène qui peut aussi toucher "une jeune fille qui fait des études supérieures, qui vit chez ses parents avec qui elle s'entend bien, et qui se prostitue à la place de faire du babysitting pour se payer un scooter", ajoute Raphaëlle Wach.
Quel que soit leur milieu social, on retrouve chez toutes ces jeunes femmes un passé de rupture : soit familiale, qui a déclenché un sentiment de dévalorisation, soit amoureuse, qui va les désabuser dans leur rapport à autrui, ou encore une rupture psychique avec des violences. Certaines deviennent elles-mêmes proxénètes en encourageant ou aidant des copines à se prostituer.