C'est une première pour un ministre de la Justice en exercice. Un an après sa prise de fonction, Éric Dupond-Moretti est convoqué vendredi devant la Cour de Justice de la République (CJR), seule instance habilitée à juger des membres du gouvernement. Le ministre, inquiété dans une enquête de prise illégale d'intérêts, est soupçonné d'avoir voulu régler ses comptes d'avocat grâce à sa position de garde des Sceaux. Il sera interrogé pour la première fois sur des soupçons de conflit d'intérêt.
Deux enquêtes administratives
Éric Dupond-Moretti sera assisté de ses trois avocats, et il entend bien répondre aux questions des trois magistrats de la Cour de justice de la République. Deux semaines après la perquisition de ses bureaux, qui a duré quinze heures, l'interrogatoire s'annonce très long. La CJR s'intéresse à deux enquêtes administratives ordonnées par le ministre sur des magistrats avec lesquelles il avait eu maille à partir quand il était avocat.
La première visait trois magistrats du parquet national financier qui avaient épluché ses relevés téléphoniques. La deuxième, ciblait un magistrat détaché à Monaco qui avait mis en cause un de ses clients.
Dans l'entourage du ministre, on assure que le garde des Sceaux n'a fait que suivre les recommandations de ses services. Jusqu'à l'avis de François Molins, sollicité par la directrice de cabinet du ministre de la justice. Si les magistrats de la CJR estiment qu'il y a des indices graves et concordants, Éric Dupond Moretti pourrait être mis en examen pour prise illégale d'intérêts dès vendredi. Un délit passible de cinq ans de prison et 75.000 euros d'amende.
Devra-t-il démissionner en cas de mise en examen ?
Comme l'avait révélé Europe 1, Emmanuel Macron n'a pas l'intention de voir son ministre quitter le gouvernement en cas de mise en examen. Le président n’a cessé de le répéter à son entourage ces derniers jours : "Eric Dupond-Moretti ne quittera pas le gouvernement". "C'est un non négatif", insiste un conseiller.
Avec le maintien de son ministre, Emmanuel Macron veut créer un symbole de "résistance" face à l’autorité judiciaire, qui, selon plusieurs proches du président, n’a pas à dire qui peut entrer au gouvernement et en sortir. Reste que si Eric Dupond-Moretti est bel et bien mis en examen et qu’il reste au gouvernement, la situation sera loin d'être confortable... Car il n’occupe pas n’importe quel portefeuille.