Face à "la montée des phénomènes d'atteinte à la laïcité" en milieu scolaire, le gouvernement hausse le ton. Alors que de nouveaux chiffres doivent être dévoilés mercredi soir, une circulaire du ministre de l'Éducation nationale Pap Ndiaye adressée aux recteurs d'académie, et qu'Europe 1 a pu se procurer, présente "le plan laïcité dans les écoles et les établissements scolaires". Celle-ci est découpée en quatre axes principaux, avec comme objectif de "renforcer le suivi et l'accompagnement méthodologiques, juridiques et humains des situations sensibles".
Ce plan laïcité vise avant tout "le port de tenue signifiant une appartenance religieuse, encouragée notamment par certains réseaux sociaux", qui "a fait naître des inquiétudes au sein des communautés éducatives et de l'opinion publique". Pap Ndiaye insiste, dans ce document, sur la publication d'un relevé mensuel sur les atteintes à la laïcité "qui doit devenir un véritable outil de pilotage".
Sanctionner un mauvais comportement après une première phase de dialogue
Le premier point de ce plan laïcité est la sanction "systématique" et de "façon graduée" du "comportement des élèves portant atteinte à la laïcité lorsqu'il persiste après une phase de dialogue". L'Éducation nationale rappelle que "plus de 80% des atteintes au principe de laïcité sont le fait des élèves, pour moitié des collégiens et pour un tiers des lycéens".
Après une première discussion avec le chef d'établissement, si "les comportements constituent bien aux manquements des obligations des élèves, le chef d'établissement doit engager une procédure disciplinaire", avance le texte. Soulignant que cette procédure pouvait être délicate, Pap Ndiaye estime dans cette circulaire qu'"on ne saurait s'accommoder d'une absence de sanctions dans de telles situations". "Je vous demande de veiller personnellement à ce que les suites apportées soient en rapport avec la gravité des faits", interpelle le ministre de l'Éducation nationale.
Dans le détail, près de 720 incidents ont été signalés rien qu'au mois d'octobre, contre 313 en septembre. Comme toujours, le port de signes et tenues religieux est l'incident le plus récurent. Il représente près de 40% des signalements. Suivent les provocations verbales (14%), la contestation d'enseignement (12%) ou encore le refus de valeurs républicaines (9%).
Pour qualifier les faits, le ministre demande aux recteurs d'académie d'inviter "les chefs d'établissement à s'appuyer plus systématiquement sur l'expertise des équipes académiques des valeurs de la République", et de s'assurer de la "diffusion des éléments de doctrine existants, en particulier des nouvelles fiches relatives à la conduite à tenir".
Pap Ndiaye demande également aux recteurs d'utiliser "des modalités adaptées à chaque situation" concernant les procédures disciplinaires, tout en rappelant : "qu'elles qu'en soient les modalités, la procédure disciplinaire est toujours une procédure contradictoire, qui donne sa place aux explications de l'élève et de ses représentants légaux s'il est mineur". Enfin, les recteurs devront s'assurer de "l'effectivité des sanctions apportées aux manquements les plus graves".
Le renforcement du soutien aux personnels
Dans le deuxième axe de la circulaire, Pap Ndiaye met l'accent sur "la protection et le soutien aux personnels" dans les "cas d'atteinte à la laïcité et aux valeurs de la République". Pour leur "apporter un soutien sans faille et immédiat", le ministre propose une fiche annexe qui "précise la conduite à tenir en cas de mise en cause d'un personnel".
"Toute attaque, de quelque nature que ce soit, doit donner lieu à une réaction de l'institution scolaire", poursuit le texte. Cela doit consister "à signaler les faits, à prendre les mesures conservatoires et à accorder la protection fonctionnelle". Une nouvelle fois, l'ancien directeur du musée de l'Histoire de l'Immigration veut que ces réactions soient "bien adoptées dans les établissements", et que soit accordé aux personnels "la protection fonctionnelle".
Concrètement, "toute infraction pénale doit donner lieu à une plainte ou à un signalement au procureur de la République sur le fondement de l'article 40 du code de procédure pénale", ajoute la circulaire. Et Pap Ndiaye d'évoquer le concours des forces de l'ordre : "Quelle que soit la nature de la menace, son évaluation est de la seule compétence des forces de sécurité". Le ministre demande aux recteurs de "veiller à ce que les services de police et de gendarmerie soient systématiquement appelées en cas de danger imminent, et prévenus de l'ensemble des incidents graves".
Soutien aux chefs d'établissements
Dans un troisième point, plus court que les trois autres, le ministre de l'Éducation appelle les recteurs à être vigilant quant à la "mobilisation permanente et réactive des équipes académiques des valeurs de la République en soutien des chefs d'établissement". Les services juridiques des recteurs "devront être en mesure d'apporter des réponses rapides en cas d'urgence manifeste", avertit Pap Ndiaye.
Qui ajoute que "les services ministériels (direction des affaires juridiques et service de défense et de sécurité) restent mobilisables à tout moment".
Renforcement de la formation des personnels
Le dernier axe de la circulaire concerne la formation des personnels, et en premier lieu des chefs d'établissement". Reconnaissant le fait que ces derniers sont "fortement demandeurs d'indications pour cadrer leur action", le ministère de la rue Grenelle mise sur plusieurs formations. En plus d'un renforcement, "afin de les sécuriser dans leur action", et "en complément des formations proposées à l'ensemble des personnels, une formation spécifique des chefs d'établissement sera organisée visant à permettre la construction d'un cadre collectif et protecteur au sein des collèges et lycées".
Pap Ndiaye met enfin en avant la poursuite, "sur le même rythme", de la formation à la laïcité qui a déjà bénéficié à 130.000 personnels, rapporte-t-il dans cette circulaire. Avant d'avancer que "tous les personnels, titulaires ou contractuels, doivent avoir été formés au cours des trois prochaines années".