Le Conseil constitutionnel a censuré vendredi les délais de recours de cinq jours au maximum accordés par la loi aux étrangers détenus pour contester une décision d'expulsion du territoire français, la jugeant déséquilibrée par rapport au droit "à un recours juridictionnel effectif". Les "Sages" avaient été saisis par le Conseil d'État d'une question prioritaire de constitutionnalité (QPC) déposée par l'Observatoire international des prisons, la Cimade, le Gisti, le syndicat des avocats de France (SAP) et la Fédération nationale des unions de jeunes magistrats.
Critique du contrôleur général des lieux de privation de liberté. Leur avocat, maître Patrice Spinosi, a salué la décision rappelant que la Commission nationale consultative des droits de l'Homme (CNCDH) et la Contrôleure des lieux de privation de liberté avaient également dénoncé la procédure incriminée. Les requérants contestaient une disposition du code de l'entrée et du séjour des étrangers en France selon laquelle un étranger incarcéré en prison et faisant l'objet d'une obligation de quitter le territoire français peut demander son annulation dans un délai de 48 heures à compter de sa notification, le juge administratif disposant ensuite de 72 heures pour statuer sur ce recours.
Présence d'un interprète. Ces délais, identiques à ceux imposés aux étrangers en centres de rétention, étaient considérés par les requérants comme "trop courts pour garantir le caractère effectif du recours et les droits de la défense". Selon eux, le législateur a méconnu la situation particulière des détenus en ne leur apportant pas des garanties suffisantes pour "un accès effectif à un interprète et à un avocat" dans les délais impartis. "Selon la contrôleure des prisons, seul un quart des décisions sont notifiées aux détenus en présence d'un interprète", avait rappelé à l'audience Me Spinosi.
"60% des recours sont formés hors délais." "Les détenus ne comprennent souvent pas le sens ou la portée de la décision" d'expulsion, contrairement aux étrangers en centre de rétention qui eux "bénéficient du soutien d'interprètes et de la présence d'associations de soutien aux étrangers", avait-il fait valoir. Et s'il est informé rapidement, se pose ensuite la question de constituer un dossier en détention. "Résultat, plus de 60% des recours sont formés hors délais", avait indiqué l'avocat.
"Délai particulièrement bref". Dans sa décision, le Conseil constitutionnel rappelle que le législateur a voulu "éviter qu'un étranger détenu doive, à l'issue de sa détention, être placé en rétention administrative le temps que le juge se prononce sur son recours". Mais il constate que "l'étranger dispose d'un délai particulièrement bref - cinq jours entre la notification et le moment où le juge se prononce - pour exposer ses arguments et réunir des preuves".
Selon lui, les dispositions contestées "n'opèrent" pas "une conciliation équilibrée entre le droit à un recours juridictionnel effectif et l'objectif d'éviter le placement de l'étranger en rétention administrative à l'issue de sa détention". Elles sont donc censurées avec effet immédiat.