Minuit, dans la nuit de jeudi à vendredi, à l'Université Paul-Valéry de Montpellier. Depuis plus de quatre heures, une centaine d'étudiants occupe l'amphithéâtre de la fac pour protester contre la réforme de l'accès à l'université. On discute, on mange un morceau, on joue aux cartes. L'ambiance est bon enfant, selon plusieurs témoins. Jusqu'à ce qu'une porte s'ouvre. Une douzaine d'hommes cagoulés en surgissent, armés de tasers et de planches de bois pour évacuer les lieux manu militari. Ces violences ont depuis suscité de nombreuses condamnations, dont celle de la ministre de l'Enseignement supérieur qui a annoncé l'ouverture d'une enquête administrative.
La ministre "condamne avec la plus grande fermeté". Frédérique Vidal "a été informée de l'intrusion, au cours de la nuit, de plusieurs individus au sein de la faculté de droit de l'université de Montpellier", indique un communiqué du ministère. La ministre "condamne avec la plus grande fermeté ces actes de violence (...) et souhaite que toute la lumière puisse être faite sur les faits qui ont permis à ce groupe d'individus de s'introduire au sein de l'établissement". Frédérique Vidal a à cet effet "missionné immédiatement l'Inspection générale de l'administration de l'Education nationale et de la Recherche (IGAENR) afin qu'elle se rende sur place dès lundi". Elle prendra par la suite "l'ensemble des décisions qui s'imposent, en engageant le cas échéant, des poursuites judiciaires", précise encore le texte.
Plusieurs blessés. Cette intrusion avait été dénoncée vendredi matin par la Ligue des droits de l'Homme et par des syndicats qui évoquaient "plusieurs blessés" parmi les étudiants. Dans un communiqué, la LDH 34, vidéos à l'appui, demande au doyen de la faculté de droit de Montpellier "d'expliquer l'intervention d'hommes cagoulés et armés, aux côtés des vigiles de la faculté pour expulser dans la violence une assemblée générale d'étudiants".
"C'était inhumain". "Ils ont commencé à taper sur tout ce qui bouge, un peu partout", raconte Francis au micro d'Europe 1. Cet étudiant présent sur les lieux dit avoir vu "une fille qui est sortie avec le visage en sang, qui s'est fait taser. Il y avait un autre mec qui avait le crâne ouvert. On est tous partis en l'espace d'une minute, tout était vide. J'ai revu quelqu'un se faire taper dans les dernières personnes, ils étaient deux sur lui. C'était inhumain", témoigne-t-il encore. "Ces gens-là ont été autorisés à rentrer dans la fac armés."
Le doyen pointé du doigt. Comme lui, plusieurs étudiants accusent ainsi l'administration et notamment le doyen de la faculté d'être à l'origine de cette évacuation musclée. "Je ne demandais qu'à voir la police, toute la journée. Je ne l'ai pas eu, au grand désespoir des étudiants qui étaient autour de moi", s'est justifié le doyen de la faculté de droit, Philippe Pétel, auprès de France 3, tout en se défendant de les avoir laissés entrer. "Ils ont voulu se défendre, et moi je ne peux pas les en blâmer", lâche-t-il cependant, avant de conclure : "Je suis assez fier de mes étudiants, je les approuve totalement".
Un prof de droit parmi les encagoulés ? "Parmi les personnes cagoulées, oui, c'est possible qu'il y ait eu un prof de droit", a-t-il par ailleurs réagi auprès de CheckNews, le site de fact checking de Libération. Plusieurs étudiants attribuent quant à eux ces violences à un groupe d'extrême droite. Un communiqué conjoint des organisations syndicales, parmi lesquels la CGT, FO, la FSU et Solidaires, rapporte même "des insultes à caractères racistes et homophobes". Contactée par l'AFP, la préfecture a elle parlé "d'échauffourées entre étudiants" à l'intérieur de la faculté, précisant que la police était intervenue à l'extérieur dans le cadre d'un "trouble à l'ordre public" et pour prendre en charge trois blessés.
La fac fermée jusqu'à lundi. Le président de l'université, Philippe Augé, a annoncé vendredi à la mi-journée la fermeture de la faculté jusqu'à lundi matin et dit avoir déposé plainte contre X "afin que toute lumière soit faite sur les événements". Au même moment, un rassemblement de protestation devant les grilles baissées de la faculté de droit, à deux pas du rectorat, réunissait plusieurs centaines d'étudiants.