Est-ce le début d'une bataille judiciaire au sein même du "clan" Hallyday ? Deux mois après la mort du chanteur, sa fille Laura Smet conteste le testament de son père. Lundi, la jeune femme a indiqué avoir demandé à ses avocats de "mener toutes les actions de droit" pour que le texte, qui confierait "l'ensemble de son patrimoine et l'ensemble de ses droit d'artiste" à sa seule épouse Laeticia, ne puisse pas s'appliquer. "S'il en était ainsi, son père ne lui aurait rien laissé : ni bien matériel, ni prérogative sur son oeuvre artistique, ni souvenir - pas une guitare, pas une moto, et pas même la pochette signée de la chanson Laura qui lui est dédiée", indique Laura Smet dans un communiqué, précisant que son frère David Hallyday se joindra à la procédure.
Deux pays, deux systèmes. Au cœur de cette "bataille", une différence de taille entre le droit de deux pays. Johnny Hallyday vivait en effet aux Etats-Unis avec son épouse et leurs deux filles, Jade et Joy. Son testament a donc été rédigé en conformité avec le droit américain, qui permet une répartition au bon vouloir du légataire : selon ces règles, rien n'interdisait à la star de "choisir" entre les membres de sa famille et donc de déshériter certains de ses enfants. En outre, d'après le communiqué de Laura Smet, le testament américain prévoit qu'en cas de décès de Laeticia Hallyday, "l'ensemble des biens et des droits de Jean-Philippe Smet (le vrai nom de la star, ndlr) seraient exclusivement transmis à Jade et Joy par parts égales."
"Mais ces dispositions extravagantes contreviennent manifestement aux exigences du droit français", note Laura Smet, 34 ans, issue, comme son frère David Hallyday, 51 ans, d'une précédente union. En France, les règles de répartition de l'héritage entre le conjoint survivant et les enfants d'un défunt sont en effet très strictes : la femme ou le mari a le choix entre l'usufruit de la totalité de la succession, c'est à dire le droit d'en profiter jusqu'à sa mort, avant qu'elle ne revienne aux enfants, où la pleine propriété d'un quart de la succession, les trois quarts restants revenant immédiatement aux enfants. Il n'est légalement pas possible de "déshériter" un enfant, même issu d'un mariage différent : le principe est dit "de la réserve héréditaire".
Le précédent Maurice Jarre. Comment arbitrer entre ces deux systèmes ? La réponse n'est pas tranchée. Mais au vu des textes et précédents existants, le combat est loin d'être gagné pour Laura Smet et David Hallyday. Un Règlement Européen sur les successions internationales, entré en vigueur le 17 août 2015, indique en effet que la succession des biens mobiliers et immobiliers "doit être régie selon la loi de l'État dans lequel le défunt avait sa résidence habituelle au moment de son décès", à moins qu'il ait expressément mentionné sa volonté que le droit de son pays d'origine ne s'applique. En l'espèce, Johnny Hallyday et son épouse résidaient à Los Angeles depuis 2013. Et l'application du Règlement est "universelle", précise le texte : la loi de résidence habituelle peut donc être celle d'un État non-membre de l'Union Européenne, comme les Etats-Unis.
Une décision récente semble également favorable à la veuve de Johnny Hallyday. Le 27 septembre 2017, la Cour de Cassation a donné raison à l'épouse du compositeur Maurice Jarre, à qui il avait choisi de léguer l'intégralité de son patrimoine, au détriment de ses enfants, Jean-Michel et Stéfanie. Mort en 2009, l'homme vivait aux Etats-Unis depuis 1953 et indiquait omettre "intentionnellement et volontairement" toutes dispositions concernant ses héritiers. Dans son arrêt, la Cour relevait notamment l'installation "ancienne et durable" de Maurice Jarre en Californie et le fait que ses enfants ne soutenaient pas "se trouver dans une situation de précarité économique ou de besoin".
La justice française considérera-t-elle que Laura Smet et David Hallyday n'ont pas "vitalement" besoin d'une part de l'héritage de leur père ? L'ancrage de ce dernier outre-Atlantique sera-t-il jugé suffisamment ancien et régulier ? Quelle qu'elle soit, la décision définitive ne devrait pas intervenir avant plusieurs années, si la procédure est poursuivie jusque-là par les parties. En jeu : l'immense patrimoine immobilier de la star, qui possédait des villas en France, aux Etats-Unis et à Saint-Barthélémy, mais aussi les royautés de ses chansons (environ 1.300), des voitures de collection et des motos, notamment.