C'était il y a 60 ans, jour pour jour. En pleine guerre d'Algérie, des Algériens qui défilaient pacifiquement à Paris à l'appel du FLN pour s'opposer au couvre-feu qui leur était imposé sont tués par la police parisienne. Impossible d'établir un bilan précis de la répression orchestrée par le préfet de Police Maurice Papon, mais les historiens s'accordent à minima sur plusieurs dizaines de morts pendant la nuit, tués par balle ou noyés dans la Seine (près de 300 morts selon les bilans les plus lourds). Amar Nanouche, 84 ans, manifestait ce soir du 17 octobre 1961. Europe 1 l'a rencontré dans son appartement de Gennevilliers.
"Ils ont massacré les gens dans le bus"
"J'en tremble... qu'est-ce que vous voulez que je fasse ?" L'air rieur d'Amar disparaît quand le vieil homme observe la photo en noir et blanc qu'il tient dans la main. Sur cette photo, des centaines de manifestants, assis, sous la pluie. Collé près d'une barrière, on reconnait son visage. Amar Nanouche avait alors 24 ans. "Nous sommes à Paris, sur la place de l'Etoile. Alors là... catastrophique... des milliers...tout le monde les mains sur la tête...Un policier est venu. Il courrait, m'a donné des coups de pied. On entend quelqu'un [dire] : ne vous inquiétez pas, voilà, tout le monde retourne chez lui. Mais ils ont massacré des gens dans le bus quand on est partis", raconte-t-il.
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Entassés dans ce bus, les manifestants sont emmenés au Parc des expositions de la porte de Versailles. "Beaucoup de personnes par terre. Mille personnes facilement ! Et il y avait quelqu'un à côté de moi, excusez-moi, il voulait faire pipi. Le mec, il est revenu... il est tombé sur moi. Il est mort. Ils étaient massacrés dans les toilettes", se souvient-il. Amar Nanouche passe au total sept jours dans le Parc des expositions. Il dort par terre et ne mange qu'un petit morceau de pain. C'est là, qu'il apprend que certains manifestants ont été jetés dans la Seine. "Il ne voulait pas se sauver, ils l'ont pris, attaché les mains. Jeté au pont de Bezons, retrouvé à Saint-Denis." Quatre de ses amis disparaissent ce soir-là. 60 ans plus tard, entouré de ses enfants dans son appartement, il est l'un des derniers à témoigner de ce mardi noir.