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Inceste : "Encore aujourd'hui, l'enfant ne peut pas comprendre le sens de la loi"

Margaux Lannuzel - Mis à jour le . 2 min

Invitée de Patrick Cohen, mercredi sur Europe 1, Marie-Pierre Porchy, juge des enfants puis juge d'instruction pendant plus de trente ans, évoque les progrès que la loi doit, selon elle, encore faire pour mieux reconnaître les victimes d'inceste, et surtout favoriser leur reconstruction psychologique. 

"Il y a une trentaine d'années, quand j'ai commencé à être magistrat, c'était dans une petite ville, en tant que juge des enfants", se souvient Marie-Pierre Porchy. "Et à l'époque, on traitait essentiellement le sujet de l'inceste par le biais de l'assistance éducative. On ne poursuivait pas les pères, ou très rarement." Des décennies plus tard, les choses ont changé, reconnaît volontiers au micro d'Europe 1 celle qui a ensuite été juge d'instruction. Dans Les Silences de la loi (Ed. Fayard), elle estime toutefois que des manques législatifs demeurent en la matière. 

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"Les agresseurs rejettent la responsabilité sur l'enfant"

"Encore aujourd'hui, l'enfant ne peut pas comprendre le sens de la loi, dans la mesure où il faut prouver en quoi il est contraint", résume Marie-Pierre Porchy. "Même si les auteurs sont jugés, ce qu'il faut comprendre, c'est qu'on se bagarre sans cesse avec cette notion de contrainte, qu'il faut caractériser, même quand un enfant est dans la réciprocité sexuelle."

La définition de la contrainte et de la surprise, éléments constitutifs du viol, a pourtant été étendue par la loi en 2018 : elles peuvent désormais résulter de la différence d'âge existant entre la victime et l'auteur des faits. Mais dans les tribunaux, la réalité est toute autre, selon la magistrate. "Il ne suffit pas de dire que l'enfant a tel âge et qu'il est dans tel rapport avec son agresseur, un rapport d'autorité ou un rapport filial." Pourquoi ? Parce que "de façon quasi-automatique, les agresseurs, lorsqu'ils reconnaissent les faits, rejettent la responsabilité de la relation sexuelle sur l'enfant."

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De cette mécanique découle "systématiquement un débat autour du consentement, instauré par l'auteur. (…) Systématiquement, quand quelqu'un arrive devant le juge d'instruction et qu'il reconnaît les faits, on a droit à une phrase atroce pour la victime."

Mieux faire le lien entre travail judiciaire et psychologique

Comment, alors, construire une justice permettant aux victimes d'être reconnues comme telles et de mieux se reconstruire ? "En disant que le viol ou l'agression sexuelle commis par un majeur sur un mineur de tel âge - je crois que le consensus est maintenant de 15 ans - est puni, sans aucune référence à la contrainte, à la menace ou à la surprise", répond Marie-Pierre Porchy. 

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"Et surtout, on supprime cette qualification atroce de l'atteinte sexuelle sans contrainte ni violence, qui ne devrait pas exister. (…) C'est dire à l'enfant : 'Bon, d'accord, tu es consentant, mais quand même, on peut poursuivre l'auteur'. Et donc, c'est un processus judiciaire qui anéantit le travail psychologique des enfants quand ils l'ont entamé."

Dans cette même idée d'apaisement des mineurs victimes d'inceste, l'auteure des Silences de la loi préconise de mettre en place une procédure "très utilisée dans les pays anglo-saxons" : la justice restaurative. Il s'agit d'engager "un processus qui permette des échanges" entre les parties. "Pas forcément une rencontre, car ça peut être terrible de rencontrer son agresseur. (…) Mais des échanges autour des faits et de leurs conséquences." Un procédé qui pourrait créer "une responsabilisation" plutôt que de se focaliser sur "l'étude d'une faute", selon la juge.