Au lendemain des annonces du gouvernement pour améliorer la déontologie des forces de l'ordre, après une forte mobilisation contre les violences policières, le Premier ministre Édouard Philippe s'est rendu mardi matin à Évry, dans l'Essonne, pour rencontrer des policiers et des membres d'une association d'insertion. Il y a appelé "au "respect et à la confiance" envers la police, mais aussi à "l'exigence", tout en reconnaissant une émotion "très grande, très légitime" du mouvement de lutte contre les violences policière. Mais sur le terrain, les mesures détaillées lundi par le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner, lui aussi du déplacement, peinent à convaincre, aussi bien du côté de forces de l'ordre dénonçant des annonces déconnectées du terrain, que des jeunes résignés face à la persistance des discriminations qu'ils assurent subir.
Lundi, lors de sa conférence de presse, Christophe Castaner a prôné une "tolérance zéro" du racisme dans les forces de l'ordre, dont la suspension sera "systématiquement envisagée pour chaque soupçon avéré" en la matière. Il a aussi annoncé l'abandon de la méthode d'interpellation policière controversée de la "prise par le cou, dite de l'étranglement" et une réforme "en profondeur des inspections du ministère de l'Intérieur".
Le syndicat Alliance réclame la généralisation du taser
À la sortie de la réunion avec le Premier ministre et le ministre de l'Intérieur, les policiers ont fait part de leur circonspection. "On a senti qu'Édouard Philippe était venu pour prendre la température et calmer le jeu", confient les syndicats. Mais il en faudra plus, assure Fabien Vanhelmelryck, secrétaire général d'Alliance Police nationale, au micro d'Europe 1. "On a pu dire aux deux que les propos prononcés était inadmissibles et intolérables", explique-t-il, regrettant notamment l'abandon de la "prise par le cou", une technique d'intervention "primordiale pour nous". Et de poursuivre : "On a demandé une compensation à cette technique, avec la généralisation du taser". Les syndicats policiers estiment également que les annonces sont déconnectées du terrain et de la réalité des interpellations
"Comment je peux faire pour avoir confiance en la police ?"
Revenant sur les annonces de lundi, Boubacar, qui dit avoir été agressé par la police, l'an dernier, à Gennevilliers, prévient lui aussi que la confiance sera dure à restaurer. "Comment je peux faire pour avoir confiance, quand je compare ce qui est dit à ce qu'ils m'ont fait", réagit-il pour Europe 1, craignant que le gouvernement sous-estime le racisme et la violence chez les forces de l'ordre. "On parle de quelques brebis galeuses...mais sur quoi on se base pour dire qu'ils (les policiers auteurs de violences ndlr) sont si peu nombreux que ça ?", interroge-t-il. "J'aimerais que ce ne soit que des brebis galeuses, mais il faut croire qu'il y a des endroits où ces brebis galeuses sont concentrées", enchaîne Boubacar. Et de conclure : "Bâtir une police de la confiance ? Avec ce qu'ils m'ont fait, je pars de loin, et je ne suis pas le seul."
Rencontré dans les rues d'Évry, un jeune homme raconte lui aussi sa lassitude des fréquents contrôles de police injustifiés. "C'est pas facile d'être noir. Si on est blanc ici, on ne va pas vous fouiller. Mais moi, en raison de la manière dont je suis habillé, on va me fouiller", explique-t-il, montrant son short et sa veste de survêtement.
Président de l'association Banlieues actives, le rappeur Rost, lui, veut que le gouvernement aille plus loin. "Lorsque quelqu'un commet un acte contre un policier, il y a circonstance aggravante. Aujourd'hui, il faut aussi que dans l'autre sens, quand ceux qui représentent l'autorité ont des comportements de ce type, il y ait des circonstances aggravantes", réclame-t-il.